Monthly Archives: mars 2016

Burp!

Le guru dit : « Venez à moi quand vous êtes heureux ». Quand vous êtes heureux, vous avez de l’énergie à revendre. Vous êtes comme un enfant, espiègle et audacieux, de sorte que le guru peut vous présenter plusieurs idées nouvelles que vous saisissez avec enthousiasme, que vous faites rebondir et avec lesquelles vous jouez ; vous êtes attentif comme un chat avec un nouveau jouet.

Plusieurs confondent bonheur et satisfaction. La satisfaction implique que vous êtes repu, saturé, prêt à dormir, à rêver même. Votre énergie est tout occupée par votre tube digestif, vous n’en avez plus pour penser aux autres, vous êtes plongé dans la satisfaction de soi.

Donc, le guru dit : « Venez à moi quand vous êtes heureux », autrement dit, quand vous avez tellement d’énergie qu’elle vous jaillit par les pores de la peau. Vous pourriez en dépenser en quantité. Vous n’avez rien à gagner, rien à perdre. Les gens satisfaits gardent tout ce qu’ils ont gagné, et vous agitent au bout du nez une carotte qu’ils ne peuvent plus manger, faute d’appétit. Un vieux reste de carotte, dont ils ne peuvent constater qu’elle est molle et collante, tellement ils sont endormis.

Monica Hathaway, M103
Traduction de Maryse Pelletier

Joyeuses Pâques !

Cattleya leuddemaniana, très odorante. Alfombra, Costa Rica, 26 mars 2016

Cattleya leuddemaniana, très odorante.
Alfombra, Costa Rica, mars 2016

Où?

J’ai parcouru des pans d’espace et de temps pour localiser les peuples et l’endroit appelé Shangri La, avec des siècles et des siècles de labeur et de privations devant et derrière moi. Toutes sortes d’êtres sont apparus à ma vue : l’enjôleur et le bien nanti avec leurs salles de conférence et leurs salons de massage ; le sournois sans morale et sans entrave ; l’adorateur des dieux argent, sexe et pouvoir ; le voleur et l’avare, l’infirme, le malade, le pauvre, celui qui naît et celui qui meurt ; les prophètes qui, debout sur leur piédestaux, annonçaient l’avènement de la terre promise dans un futur brumeux, ou ceux qui racontaient que nous sommes en plein Shangri La.

À chaque regard, j’ai vu des hommes bons qui obéissaient aux lois, j’ai vu des hommes sournois qui trompaient, volaient et démolissaient les lois de leurs mâchoires puissantes. Ils tournoyaient dans les larmes qui emplissent les conduits de l’œil, se heurtant les uns aux autres dans leurs efforts pour trouver le sentier d’où ces larmes jaillissent, et qui est connu comme la rivière de la compassion. Le bassin où coule cette rivière est situé là où tous les êtres et non-être naissent et meurent, et apparaît et disparaît au moindre clignement de l’œil qui reflète les visions de celui qui regarde.

Monica Hathaway M.103
Traduction Maryse Pelletier

Orchidée rouge

Mormones atropurpurea Alfombra, Costa Rica, mars 2016

Mormones atropurpurea
Alfombra, Costa Rica, mars 2016

Shangri La

Shangri La est un mythe précieux. Il n’a aucune existence en dehors de l’esprit où résident les six royaumes. C’est la carotte qui se balance au bout du bâton qui sort de votre troisième oeil. C’est votre invention.

Shangri La apparaît différemment à chacun. Pour certains, c’est un monde sans déchets, tout de gratte-ciels, de rapidité, de richesses, de courant-jets, de satellites et de célébrité. Pour d’autres, c’est la beauté de la terre avec ses rochers, ses arbres, ses vallées, ses plantes, ses vallées et ses montagnes sur lesquelles on peut flâner. À certains, Shangri La apparaît comme le conjoint enfin trouvé qui aime leur corps et leur rêve de partager confiance et dépendance mutuelles, ainsi qu’une dévotion inébranlable à la vision de cette perfection nébuleuse. Shangri La pourrait être le groupe auquel on veut appartenir, dans lequel les gens prennent soin les uns des autres et où les disputes sont entendues et réglées par un conseil de gens choisis par tous, mais en dehors du groupe, pour garantir que rien ne vienne affamer ou affaiblir la manière de vivre. Shangri La pourrait être aussi un rêve de liberté totale où nourriture, abri, vêtements et sexe pendent aux arbres pour qu’on les cueille et qu’on en jouisse sans contrainte aucune.

La disparition de la carotte et du bâton planté dans le troisième oeil révélerait peut-être le vide du mythe et l’espace de sa supposée existence.

Dites adieu au Tibet, aux Himalayas, aux guerriers, aux sauveurs et à la vue parfaite du haut d’une montagne qui n’est plus là. Dites adieu aux Shangri Las, quand vous vous lancez dans le vide à partir de cette montagne qui n’a jamais existé.

N. B. Shangri La est un endroit fictif décrit dans le roman Lost Horizon de l’auteur britannique James Hilton. C’est une vallée mystique, paisible, dirigée avec douceur par des lamas, et située à l’ouest des montagnes Kunlun.

Monica Hathaway, M103
traduction de Maryse Pelletier

L’oeuvre d’un homme

La souffrance et l’angoisse qu’il voyait autour de lui le troublaient, et il s’est donné la peine de s’asseoir et de chercher les causes sous-jacentes des maladies, des maux qui affligent l’humanité. Il en éprouvait anxiété et inquiétude. Il a donc décidé d’assumer le fardeau que représentait l’étude de la condition humaine.

Il a réfléchi et parcouru notre univers de long en large, cherchant quelqu’un qui pourrait lui expliquer de quelle façon tout cela était arrivé, et comment le surmonter. Il n’a trouvé personne qui pouvait répondre à ses questions. Finalement, un jour, il s’est juste donné la peine de s’asseoir et de regarder par lui-même la situation de détresse qui l’avait tant perturbé durant sa vie. Intuitivement, par bribes, les Quatre Nobles Vérités lui apparurent :

– l’insatisfaction (la souffrance)
– la cause de l’insatisfaction (la souffrance)
– la prise de conscience que la souffrance peut cesser
– le moyen de cesser la souffrance (le sentier aux huit branches)

Il comprit immédiatement la valeur de cette découverte, et le fait qu’elle a le pouvoir d’aider l’humanité souffrante à vaincre la douleur et l’angoisse. Il s’assit encore et contempla, et considéra le problème de transmettre cette révélation à d’autres esprits que le sien. Au début, il sentit que cela présentait des difficultés considérables, et que peut-être cela n’en valait pas la peine. C’est alors que la certitude se forma immédiatement en lui que si lui, un homme seul, pouvait s’ouvrir à ces vérités, les autres aussi avaient cette capacité.

La connaissance immédiate de la nature de l’intelligence véritable, qui lie tous les êtres vivants dans la recherche de la « vision de la réalité », le débarrassa de la peur que s’il ne pouvait illuminer les autre, sa propre illumination serait un échec. Elle le libéra de l’obligation de sauver le genre humain. Il sut que chaque être humain doit se libérer lui-même, et que s’il échoue à la tâche, c’est à lui que la responsabilité incombe. Il fut libre alors d’aller vers ses contemporains et de chanter la chanson, danser la danse et sonner la cloche de la libération pour quiconque pouvait la voir ou l’entendre.

C’est l’histoire de Boudha. L’oeuvre de cet homme vous appartient.

Monica Hathaway, M103
Traduction Maryse Pelletier

Opinion importante

Miroir, miroir
Dis-moi qui est le plus idiot de tous?
Ne détourne pas ton regard,
Tu pourrais rater la réponse

Monica Hathaway, M102
traduction Maryse Pelletier

Le monde des célébrités

C’est une écrivaine
C’est une maman
C’est un papa
C’est un enfant
C’est une jumelle
C’est un triplé
C’est un acteur
C’est une danseuse
Dieu est un créateur…

Si vous avez des prétentions à la célébrité comme celles-là, accrochez-vous-y. Elles s’avèreront plutôt insaisissables ; on est reconnu seulement pour sa dernière performance.

C’est un docteur.
C’est une physicienne nucléaire
C’est un astronaute
C’est un psychiatre
Je suis un idiot de naissance
Ne le sommes-nous pas tous?
Je suis un bébé…

Si j’ai oublié votre revendication, ajoutez-la à la liste. Vous pouvez en avoir plusieurs et les y inscrire toutes. Ne soyez pas modeste. C’est le type de possession le plus valorisé en notre monde, semble-t-il. Ne perdez pas votre part, et n’oubliez pas de vous faire prendre en photo avec votre costume. Et puis, ne vous opposez pas aux prétentions de notoriété des autres autour vous; vous pourriez vous faire blesser gravement. Souvenez-vous des guerres.

Monica Hathaway, M102
traduction de Maryse Pelletier

Il y a Maria

Ce matin, j’ai mal à la tête, j’ai le cœur lourd, je suis un peu perdue dans mon univers, mais il y a Maria qui arrive.

Ce matin, il y a la journée internationale des femmes, et la certitude que les femmes, qui constituent la moitié des êtres humains vivant sur cette planète, sont partout moins bien traitées que les hommes même si les hommes sont mal traités aussi dans certaines régions et certaines circonstances, mais il y a Maria qui arrive.

Ce matin, il y a la certitude que les inégalités ont progressé partout, que l’austérité est une solution pour ceux qui ne voient rien à moins de trois mètres d’eux, il y a TransCanada qui fait des relevés sismiques par loin d’une aire protégée avec la permission de notre bon ministère de l’environnement, il y a des audiences publiques pour la construction et l’installation d’un oléoduc qui devra traverser 800 cours d’eau chez nous seulement, et les gens trouvent que c’est sérieux — si le ridicule ne tue pas les gens, il va tuer les cours d’eau —, mais il y a Maria qui arrive en chantant.

Ce matin, il y a Donald Trump, ce clown dangereux et violent, qui conquiert les Américains, il y a l’éducation qui régresse chez nous (ne vous demandez pas pourquoi Trump progresse), il y a notre ministre de la santé qui profite de son pouvoir pour favoriser grandement les médecins et pour chambarder notre réseau de la santé en exigeant l’approbation et le silence autour de lui, il y a l’idée d’indépendance qui stagne, il y a des gens qui ont deux emplois pour pouvoir seulement manger et payer leur loyer, il y a des jeunes qui partent se battre avec l’État islamique pour devenir des héros en Syrie (l’éducation régresse, je vous dis) et violer les femmes sur leur passage, il y a…

Il y a tout cela, devant quoi je me sens impuissante, inutile, devant quoi j’ai envie de hurler à la lune, au soleil, à l’univers. Mais ça ne servirait à rien. Il n’y a personne qui se soucie d’une vieille femme qui hurle dans son coin. Elle a trop de temps, cette femme, elle devrait travailler ou taire et rentrer dans son trou.

Heureusement, il y a Maria qui arrive en chantant, heureuse, légère, qui se réjouit de venir ici, qui nous fait rire, qui ne se préoccupe que du sort de ses deux filles et de sa famille, Maria, heureuse dans son univers dont on pourrait dire qu’il est limité, protégé, à l’abri des nouvelles et des oléoducs et de TransCanada et de Barrette.

Il y a des matins où j’envie Maria. Vous me comprenez ? Bien sûr, je me fais d’elle une image rose. On a tous des problèmes. Mais elle peut régler ses problèmes. Pas moi. Il y en a trop, partout. Trop, partout.

Nouvelles images

– Un SOS entendu de la planète terre : « Dieu, pour l’amour du Christ, envoie-nous des recrues qui ont de l’allure. On est à court de sauveurs. »

– M. et Mme Prude qui meurent d’être sans emploi après avoir réussi à persuader tout les « affreux » d’arrêter de fumer et de boire.

– Les chimistes, biologistes physiciens nucléaires et tous les autres types de scientistes, plus tous les physiciens et prescriveurs de pilules debout, en ligne, à l’Armée du Salut pour demander le gîte et le couvert après avoir débarrassé la terre de toute les maladies.

– L’harmonie qui se penche sur sa propre musique.

– Une école nouvelle qui enseigne aux naïfs ce qu’ils ne savent pas de sorte qu’ils aient l’esprit clair. Des questions? On y travaille aussi sur un système de mémorisation qui préviendra la sénilité. Le hic c’est que vous vous rappellerez même ce que vous voulez oublier.

– Un dictionnaire informatique qui manque d’espace, et qui cherche de nouveaux mondes, de nouveaux mots et de nouvelles définitions.

Monica Hathaway, M102
Traduction de Maryse Pelletier