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Les fenêtres de la terre

Les fenêtres de la terre

S’ouvrent sur les niveaux

D’espace et de temps.

Des êtres inimaginables et mémorables naissent,

des événements se déploient

en couleurs kaléidoscopiques,

en formes qui font frémir l’intellect

et apaisent sa symphonie cacophonique

au rythme inégal et rugissant.

 

Laissez les rideaux ouverts.

Ne vous cachez de rien.

Monica Hathaway, trad. Maryse Pelletier

Pas de zéro ego

Le seul obstacle est la pensée de l’obstacle

C’est le concept de la pensée qui est l’obstruction.

 

Si on met un objet en pensée

On a deux objets, semble t-il

Moi, et la pensée de ce moi.

 

On continue à s’installer sur soi et on ne voit jamais

Que ce qui s’installe et celui qui installe ne sont pas deux objets séparés.

Monica Hathaway, trad. Maryse Pelletier

Fredonner dans le vent

Tu ne saisis pas?

Tu ne peux pas comprendre.

 

Tu ne peux pas avoir l’amour,

Ni la félicité,

Ni l’illumination,

Ni l’espace.

 

Tu es cela.

 

Tu ne saisis pas?

Tu ne peux pas comprendre.

 

Le JE qui veut

La révérence, la flèche et l’œil de bœuf

Sont un même esprit.

 

Monica Hathaway, trad. Maryse Pelletier

Lâchez prise!

Laissez aller! 

Soyez présent avec spontanéité.

Parlez librement. 

Même les mots

dont vous ignoriez la présence

jailliront d’un trait de votre bouche.

Lâchez prise!  

Écoutez avec spontanéité.

Ce que vous allez entendre se déposera

sur le sol fertile de votre compréhension.

Monica Hathaway, traduction de Maryse Pelletier

Tout enlever

Il est dit qu’on est faits à l’image de Dieu, qu’on chausse ses souliers.

Est-ce que ces souliers nous vont, ou s’ils nous écorchent les talons?

Qui a fait ce Dieu à l’image duquel nous sommes faits?

Oh chers amours, vous tous qui n’êtes pas faits à l’image de Dieu,

Êtes mes âmes sœurs.

 

Monica Hathaway, traduction de Maryse Pelletier

Les loups et nous

Un de mes conjoints disait à qui voulaient l’entendre : L’homme est un loup pour l’homme.

Je pense que c’est faire injure aux loups que de comparer leur comportement au nôtre. Sérieusement. Qu’ils sont loin, très loin d’être aussi cruels, irresponsables et destructeurs que nous, les hommes. Qu’eux, au moins, respectent leur habitat.

Photo

Je suis persuadée que la photographie a été inventée par des gens qui voulaient fixer le temps. Finalement, ce qu’ils ont réussi à fixer, ce ne sont que des images. 

Différence

Nos voisins font un party, nous, nous écoutons en direct le discours de Zelensky à la télé.

 

Il paraît

Cette souffrance-là, ce travail-là, d’essayer simplement de vivre en harmonie,

de respecter les autres,

de cultiver un coeur joyeux,

de comprendre ce qu’on est et ce qu’on fait sur cette terre,

d’essayer de soigner la vie dans ses plus petites manifestations,

d’apprivoiser la mort et la maladie tous les jours,

de créer de l’harmonie dans nos maisons, nos repas, nos tenues, nos rapports,

ces questions-là, de ne pas être cruel même si la vie nous fait mal,

de ne pas être égoïste alors qu’on ne cherche qu’à tout ramener à soi,

d’essayer de comprendre nos systèmes d’éducation, de soins, de communications qui ne communiquent pas grand-chose, et nous-même, qui sommes des mystères de plus en plus épais à mesure que nous avançons en âge,

cette souffrance-là de se sentir dépassés, rejetés, dénigrés,

cette souffrance-là de savoir que Dieu n’existe pas et ne veille pas sur nous et qu’il n’y a personne de puissant qui viendra nous sauver de la mort et de la perte des êtres chers et de la dépossession de nos illusions,

celle-là qu’on ressent quand on voit des enfants abandonnés, maltraités, violés, malheureux, affamés,

cette souffrance-là, qui n’est que le joug normal qu’un humain doit porter sur ses épaules étant donné sa nature,

sans oublier la souffrance du désir non assouvi qu’on doit faire éclater dans l’univers si on ne veut pas qu’il nous plie en deux, de l’amour non reconnu qu’on doit distribuer tout autour si on ne veut pas qu’il nous ronge jusqu’aux os,

celle-là du frère qui se moque, de la soeur qui se noie dans son chagrin et pour laquelle on ne peut rien

ces souffrances-là, qui sont le lot de tout être humain sur cette planète,

il me semble qu’elles seraient suffisantes, non?

 

On n’a pas besoin en plus de recevoir des bombes sur la tête qui détruisent nos maisons, nos oeuvres, le petit bien-être qu’on s’est construit à force de travail lent et laborieux,

on n’a pas besoin de tanks et de chars qui marchent sur les jambes des morts, des viols à répétition, des mensonges hideux, des casques de fer, des tranchées suintantes d’humidité, du bruit hideux des canons qui nous déchire si fort les tympans qu’on souhaiterait être sourd pour ne pas les entendre et ainsi ne pas savoir ce qu’ils signifient, ces bruits de fin du monde,

pas besoin de la noyade de marins dans un navire éventré, de la torture ordinaire que le bourreau inflige à celui qui l’a combattu, ou peut-être même à celui qui ne l’a pas affronté, qui ne l’a même pas haï,

on n’a pas besoin de ça.

C’est un surplus de laideur, d’horreur, de cruauté, dont on pourrait faire l’économie.

 

Mais il paraît que ça aussi c’est humain, ne pas savoir économiser sur la souffrance, la cruauté, le mépris et le rejet, sans parler des bombes et des balles de fusil et des tanks et des roquettes;

Il paraît que ça aussi fait partie de ce qu’on reçoit comme bagage à la naissance. Comme bagage. Que ça vient avec la vie. Que ça vient avec la force ou la faiblesse, avec la déception, la jalousie, le mépris, la haine et la peur. Que ça vient tout seul quand on laisse monter à l’intérieur de nous cette sorte de feu qui veut immobiliser ou brûler les autres, les voir disparaître.

Il paraît.

Je suppose que c’est vrai, puisque c’est là. Puisque, dans toute notre histoire, ça a toujours été là.

C’est vrai.

C’est là.

Ça paraît. Ça explose. Ça détruit. Ça hurle. Ça tue en déchiquetant. Et il n’y jamais assez de larmes, celles des mères et des pères, celles des soldats et des soignants, celles des enfants, des violées, pour éteindre le feu destructeur ravageur, pour apaiser l’odeur de chair brûlée qui se répand d’une maison à l’autre, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre sans jamais faiblir.

 

 

 

 

Ces jours-ci

Ces jours-ci, j’ai l’impression d’avoir 13 ans à nouveau. Pourquoi? Parce que je regarde des histoires d’amour à la télé. Parfaitement. Des histoires d’amour qui viennent de Corée qui sont distillées en 16 épisodes de plus d’une heure chacun, écrites et réalisées selon les standards du genre : joyeuses, émouvantes (généralement bien construites, au demeurant) et qui finissent bien, version coréenne de : ils se marièrent, eurent de l’argent et peu d’enfants.

Et pourtant, je sais ce qui suit l’union de deux personnes qui s’aiment. Ce n’est pas toujours la félicité, loin de là. Tenons déjà pour acquis que les deux amoureux restent fidèles l’un à l’autre, ce qui enlève déjà plusieurs chapitres au livre des malheurs et des désagréments qui pourraient leur tomber dessus. Mais il y a d’autres types de difficultés, au quotidien, qui mettent l’amour à rude épreuve. Par exemple – j’invente, là, j’invente, je ne parle jamais de ma vraie vie, hé oh! -: il n’aime pas le poisson alors qu’elle, oui, il n’aime pas être en retard alors qu’elle n’en a cure, il met le ménage dans son horaire alors qu’elle nettoie quand elle en a le temps, il marche alors qu’elle lit, fait du ski alors qu’elle nage, elle a peur de la violence, même à la télé, lui s’endort durant les suspenses, elle aime la musique, lui, des vidéos explicatifs sur les moteurs, lui aime se lever tard, elle tôt, et ainsi de suite. La vie, longue, permet d’observer cela et bien d’autre différences plus profondes, des incompatibilités, même, qui égratignent sérieusement l’image finale du dernier épisode de l’histoire d’amour. Ce n’est ni dramatique, ni tragique, juste déstabilisant. Pas trop. À condition de rester souple léger, ouvert.

Normalement, ce ne sont pas les difficultés passagères de la vie d’amoureux qui m’incitent à me précipiter sur les histoires d’amour. Sauf que, en ce moment, il y a la guerre en Ukraine, ça fait mal et je ne peux rien faire sauf envoyer des sous ; sauf que, en ce moment, on sort à peine, et peut-être pas non plus, d’une pandémie durant laquelle notre vie devait se vivre à l’intérieur de nos murs; sauf qu’il y a la famine au Yémen, dont personne ne parle plus; sauf que l’armée du Myanmar a mis 10 000 manifestants en prison depuis 3 mois, sans compter les personnes qu’elle a tuées; sauf que, plus on en sait sur les paradis fiscaux, plus on découvre que c’est une hydre à mille têtes que personne n’affronte, finalement, malgré les promesses; sauf que, bientôt, il n’y aura plus de tortues ni de requins ni de récifs de corail, ou si peu; sauf qu’il faudrait bien que le Canada se déniaise et impose sa souveraineté sur une partie de l’Arctique parce que Putin va tout gober et ainsi de suite. Ainsi de suite

Dans ces conditions, vous comprenez que n’importe qui, même les gens instruits et avisés (ce que je ne suis pas toujours, loin s’en faut) regardent de temps en temps des histoires d’amour qui finissent bien. Ça aide à atterrir sur un tout petit nuage au bout de sa journée avant de recommencer à affronter le malheur du monde le lendemain.