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Précis

Les poètes du passé nous ont comparés à des grains de sable, des gouttes de rosée et des poussières dans le vent.

Les comparaisons sont des outils pauvres, elles manquent de justesse. La vraie poésie voit et dit exactement ce que nous sommes : des humains.

La race humaine parle à travers moi. C’est ce que je suis.

Monica Hathaway, M201
trad. Maryse Pelletier

Allons-y, ou Laissons aller ?

On est assis et on parle avec des connaissances sur lesquelles on est tombés par hasard, et ces gens nous ont invités à prendre un café ou un verre, peu importe. On pense : « Ouais, je pourrais prendre un petit moment pour échanger avec eux ». Et on s’est assis dans ce but précis. Mais à tout moment ou presque, on se demande combien de temps a passé et si on ne devrait pas retourner aux tâches plus importantes de notre journée. On espère ne pas perdre notre temps.

Pendant ce temps, en surface, on paraît intéressé à ce que ces gens disent parce qu’on ne voudrait pas qu’ils sachent qu’on n’est pas vraiment attentifs à leur discours. Soudain, ils ont capté notre attention pour un instant, quand ils racontaient une expérience fascinante qu’ils ont vécue en faisant de la plongée sous-marine. On est vraiment entrés dans leur histoire pendant un moment, puis, tout aussi soudainement, les plans qu’on avait avant de s’asseoir nous reviennent à l’esprit. Et on se presse de terminer la rencontre en s’excusant de devoir aller rapidement à nos affaires. Peut-être qu’on doit aller à la maison faire du ménage et du lavage avant que notre mari arrive et lui préparer un bon repas à temps, pour une fois ! Ou peut-être qu’on doit aller à un cours sur la décoration, qui nous aidera à planifier les changements dans notre nouvelle maison. De sorte que notre esprit est à moitié ici et à moitié sur autre chose. On doit partir, mais on aimerait rester, peut-être qu’on se verra une autre fois pour reprendre la conversation. On dit au revoir et on se presse d’exécuter les tâches déjà programmées.

Cette énergie est celle de l’ambition, elle est la source d’un inconfort constant dans notre corps, et cet inconfort génère des plaintes de toutes sortes. Il semble que, où qu’on soit, on soit insatisfait du progrès accompli dans l’atteinte de nos objectifs. Alors, on se perche sur le bout de notre chaise, prêt à bondir et à courir ailleurs, ou on reste perchés, fascinés, incorporant l’histoire de la plongée sous-marine pour pouvoir la raconter à notre mari, notre épouse, ou notre compagnon plus tard. On pourrait peut-être aller plonger aussi et vivre une expérience semblable. Notre esprit saisit des choses, s’y agrippe, veut les faire et les avoir. Il est rempli d’ambitions, de « ce qu’on n’a pas encore fait », et de « ce qu’on n’a pas encore acquis » qui, semble-t-il, pourrait nous combler. Notre corps est un paquet de tics, de secousses et de sauts, et on se plaint constamment d’être fatigués.

Cela se produit non seulement quand on est assis, mais même quand, debout à faire la vaisselle, la sonnette retentit, ou quand on marche en rentrant à la maison en pensant à sortir le chien ou à nourrir le chat. Puis la journée finit, on se couche en pensant à dormir de sorte qu’on puisse se reposer et se réveiller le lendemain frais et dispos pour assister à la rencontre annuelle des membres de notre profession. Mais, dans notre hâte de dormir, on tourne et retourne dans notre lit, et on se lève le lendemain avec l’impression d’être épuisé, en pensant qu’on aurait dû se coucher plus tôt. On va à la rencontre et on écoute à moitié, on se perche sur le bout de notre chaise et on pense à faire, peut-être, un peu de méditation quand on sera de retour à la maison. On retourne finalement chez soi, on enlève son manteau, on prend une tasse de thé, on s’assoit pour méditer et… on s’endort.

C’est l’énergie de l’ambition qui travaille, joue, étudie et s’exprime dans nos batailles quotidiennes. Elle peut être douloureuse.

Note : Ce jonglage constant avec des notions dualistes, cette capacité toute simple pour le dualisme, est l’esprit de base « sem ». Quand on essaie de savoir ce qui se passe, c’est « rikpa », un développement plus avancé de l’esprit ; il analyse les possibilités de différentes approches. Le troisième aspect, « yi », est la conscience des six sens (les cinq premiers sont la vue, l’odorat, le goûter, l’ouïe et le toucher). « Yi » est la sensibilité mentale associée avec le cœur, et il a une sorte de fonction d’équilibre. Quand vous entendez un son, que vous voyez quelque chose, vos sens sont synchronisés par le sixième sens pour constituer un seul événement. Vous pouvez voir, entendre, goûter, sentir et ressentir tout en même temps, et le tout est cohérent pour vous à cause du « yi ». Connaître ces trois aspects de l’esprit est un outil qui peut aider à comprendre les fouillis magnifiques qui peuvent naître de nos efforts quotidiens pour rendre la vie merveilleuse.

Monica Hathaway, M201
trad. Maryse Pelletier

L’instant présent

Il nous arrive d’être prisonniers de tendances moralisantes qui demandent la vengeance, la récompense ou la réparation ; ce sont de vieilles histoires, en fait, dont la création se répète de façon mécanique. On regarde les autres et on se dit : « La dernière fois, tu m’as devancé, cette fois-ci, j’arriverai avant toi ; hier, c’est toi qui avais le pouvoir, aujourd’hui ce sera moi. » Plutôt que de rechercher la récompense, la vengeance ou la réparation, ne pourrait-on pas simplement les considérer comme des histoires révolues et les laisser aller, et, tant qu’à y être, laisser aller aussi le moi qui les réclame?

Il semble que la récompense, la réparation et la vengeance sont les indipides nourritures qui nous attachent à la roue karmique (psychologique ou morale) de l’existence. Mécaniquement, on veut goûter ce qui est fade et on se demande pourquoi on n’en éprouve aucune satisfaction. On imagine à l’avance que le goût en sera bon ou mauvais. On a entendu dire « la vengeance est douce », ou « la récompense est la nourriture des saints », mais rien de cela n’a de goût ; ce sont des formes mentales qui apparaissent et disparaissent dans les esprits agités. Chercher ou éviter la réparation ou la vengeance ne fait qu’ajouter du carburant au réservoir qui alimente le mécanisme de la roue. L’esprit agité se manifeste par l’apparition et la disparition des formes mentales. On est souvent envahis par la question : « Est-ce que je devrais agir selon cette pensée ou pas ? » En fait, quand on laisse tomber la question de savoir si on doit agir ou pas, rester ou partir, être ou ne pas être, etc. le problème se résout de lui-même.

La méditation est l’outil nécessaire pour laisser tomber le combat contre l’agitation et permettre le ralentissement du rythme de la roue. En méditant, on expérimente des espaces durant desquels on peut se reposer dans l’espace ; ce sont ces espaces qui offrent la possibilité des laisser-aller.

La poussée et la retombée, l’apparition et la disparition sont les formes mentales des esprits structurés et conditionnés. Elles ne se manifestent que dans ces apparitions et disparitions. On peut voir les montées comme la naissance, et les descentes comme la mort. Ces types d’énergies mentales sont érigées sur des constructions atomiques ou, plus précisément, ce sont des histoires génétiques, des vérités relatives qui naissent de nos différentes identifications à « cette vie » (couleur, désir, tribu, nation, langue et planète) et à toutes les soi-disant vérités que le conditionnement créé par ces identifications engendre. Si on voyait que ces constructions relatives nous présentent les désirs passés, présents et futurs des personnalités étroites de « cette vie » (étroite dans le sens que nous nous identifions comme être humain dans un sens relatif), peut-être pourrait-on cesser de combattre l’émergence et la disparition des formes mentales et de nos plans ambitieux, et porter attention aux interstices (les espaces ouverts de l’énergie pure de la pensée, sans construction atomique).

En portant attention aux interstices, au « bardo », on touche à la conscience humaine totale, non altérée par le combat des énergies raciales, religieuses et politiques de la vie humaine. Alors, les liens avec nos souffrances se brisent, la libération est instantanée, et la vue panoramique de l’espace immense permet à notre conscience d’embrasser la vérité universelle de tous les êtres vivants. La pratique de la méditation en action est l’outil de tous ceux qui désirent la libération de tous les êtres.

Monica Hathaway, M201
Traduction Maryse Pelletier

Le pianiste

Les mots. Le mot est Dieu et Dieu est le mot. Le mot est piano, et le piano est mot. Du moins, c’est ce que j’ai entendu.

Si j’avais à présenter mon travail, je dirais ceci : je détecte les approches erronées, bancales ou fausses dans l’utilisation des mouvements et des sons du corps. Voici un exemple.

Un jour, un artiste est venu me voir. C’était un pianiste de concert dont le répertoire s’était beaucoup appauvri. Quand il devait jouer une composition qui comportait un staccato énergique, beaucoup de force ou un son éclatant, il en était incapable.

Je lui ai fait jouer des pièces dans lesquelles il se sentait à l’aide. Son corps s’y mouvait d’une façon détendue, gracieuse, réconfortante et plaisante pour les sens (comme Clair de Lune, ou la Sonate à la lune, et un ou deux préludes de Chopin de même nature). Cependant, pour l’oeil et l’oreille du spectateur, ses mouvements révélaient un inconfort subtil, mais bien présent sous la surface ; une humilité exagérée, une puissance trop timide. L’énergie de ses mouvements était contenue et avait une qualité sentimentale.

Je lui ai alors demandé de jouer certaines pièces qui lui semblaient hors de sa portée. Il a interprété des passages du Concerto Empereur de Beethoven, celui pour piano no. 1 de Khatchaturian et, de Prokofiev, la Sonate pour piano no. VII. Son interprétation était navrante. Il n’avait pas l’énergie nécessaire pour rendre ces pièces ; quand il les jouait, son corps ressemblait de plus en plus à celui d’une violette qui se fane ou à celui d’un chat qui, par peur de l’eau, contourne furtivement une mare, fasciné, mais prudent et attentif à ne pas tomber.

Je lui ai suggéré de s’asseoir calmement avec moi pendant un moment, le temps que j’absorbe ce que j’avais vu et entendu. Puis, je lui ai demandé : « Qu’est-ce que c’est, pour toi, le piano? » Il a répondu: « C’est toute ma vie. Sans lui, ma vie ne vaudrait rien. » « Alors, ton approche est celle de l’adoration, on dirait une croyance religieuse. Tu le supplies, tu l’implores de te laisser être un bon pianiste. Tu as peur que, si tu n’es pas gentil avec lui, il te frappe, te rejette hors de son espace. On dirait que tu le traites comme Dieu, un Dieu qui te punirait si tu utilisais envers lui une force plus grande que celle d’une caresse. » Il répondit alors : « Ce que vous dites m’apparaît vrai. Qu’est-ce que je devrais faire? Comment continuer? »

Je l’ai fait asseoir en face du piano de sorte qu’il puisse en observer la forme entière. Puis, je lui ai demandé de défaire l’instrument visuellement, d’en voir les clés, les cordes et les coussinets, les pédales que ses pieds touchaient et la forme du bois qui enchâssait toutes ces pièces ; de voir la force de sa construction et la variété de ses fonctions en termes de sons doux, moyens ou forts – dépendant de l’énergie ou de la force que le pianiste exerce – les tons bas, médians, aigus, etc. Puis, je lui ai demandé de visualiser les êtres humains qui en avaient récolté les divers matériaux sur la terre et les avaient livrés à ceux qui en coupaient et en polissaient les parties, et les transformaient en ce que nous voyions en face de nous. « Regarde cet objet magnifique comme un jouet, amené à son existence présente par l’ingéniosité de l’esprit humain, les 6 sens. Tu peux le défaire en morceaux, mettre les clés là, les cordes ici, les coussins et les pédales dans des endroits différents, retirer les pédales et les pattes et démonter sa boîte et alors, où est le piano? Ou tu pourrais tout simplement laisser là les pièces dispersées, éventuellement elles se dissoudraient, redeviendraient des atomes et seraient emportées par le vent dans l’espace. La forme physique de celui qui joue et de ce qui est joué est de même nature impermanente », lui dis-je.

Puis je lui ai donné l’instruction suivante : « À présent, comme celui qui joue s’assoit dans l’espace ouvert avec ce qui est joué, va au piano et touche-le gentiment avec la paume de ta main, puis avec une force moyenne, puis avec toute ta force. Ne joue par un morceau, pas tout de suite, laisse le son être un vacarme cacophonique. Amuse-toi simplement à exercer des pressions différentes ».

Il a suivi ma recommandation ; graduellement, l’énergie de son corps s’est libérée, et bientôt il tapait sur le piano comme un enfant qui explore toutes les façons d’utiliser un jouet. Finalement, il s’est levé, et j’ai vu que son corps ne portait plus de signes de détresse. Il a marché jusqu’à une chaise de l’autre côté de la pièce, s’y est assis, considérant le piano de loin et l’étudiant pendant un moment. Puis il s’est levé résolument, a marché jusqu’à l’instrument et lui a dit : « Salut, magnifique jouet. Dorénavant, toi et moi allons produire ensemble tous les sons possibles et imaginables. » Puis, il s’est tourné vers moi : « Merci d’avoir libéré mon énergie. J’étais complètement enchaîné à une image mentale d’adoration, combinée à un rêve de récompense céleste. »

Je l’ai vu et entendu jouer à plusieurs reprises après cet épisode, et la richesse de son interprétation était remarquable. Le calme, la chaleur, la tendresse, la douceur et la passion, tout ce qui devait être ressenti et joué dans sa musique en jaillissait, provenant de tout son corps, et s’élevait dans l’espace en une voix joyeuse.

J’ai travaillé avec d’autres musiciens et d’autres artistes dans des champs de compétence différents, et découvert que leur problème, bien souvent, était du même ordre : l’objet de leur jeu, de leur art, devenait menaçant s’ils ne le gardaient pas sous la coupe de leurs croyances. Heureusement, le mouvement et le son de notre énergie vitale nous envoient des signaux de détresse qu’on doit écouter quand notre situation devient angoissante.

Il m’apparaît que le son est utilisé dans toutes les langues qu’on pense, écrit ou parle. La croyance occidentale qui dit que « Dieu est le verbe et le verbe est Dieu » a gêné l’utilisation du son, cette chose abstraite appelée « mot » qu’on utilise pour indiquer des objets et des idées à nous-mêmes et aux autres. Les mots sont vénérés et craints par la majorité des peuples sur terre. Leur utilisation est entravée par la foi en leur pouvoir, encore plus que pour les chiffres parce que, après tout, les chiffres dont des mots constitués de diverses lettres de l’alphabet – comme l’est, naturellement, le mot « mot » ou toute autre désignation.

Il me semble que notre angoisse face aux mots pourrait être allégée si on écoutait le son du silence, quelquefois, pour prendre conscience de l’état d’esprit dans lequel nous baignons. Ça pourrait être le choc qui nous tire de notre sommeil et nous amène dans l’espace joyeux de l’ici et maintenant, libéré des entraves des constructions mentales qui nous enchaînent à nos croyances les plus chères – qui sont probablement erronées.

Monica Hathaway, M 106
trad. Maryse Pelletier

Considérations sur la croyance en soi

Croire en soi, c’est considérer tout ce qui advient dans l’espace autour de soi comme nous étant particulièrement destiné. C’est le sentiment que tous les objets qui touchent nos sens ont été créés pour que ce soit nous qui les critiquions. Nous aimons certains de ces contacts, mais pas d’autres, et, ce faisant, nous donnons notre interprétation personnelle à ces événements ; c’est conscients de nous et de notre importance que nous recevons les contacts. Nous sommes difficiles, nous choisissons notre monde. La communication avec n’importe quoi d’autre devient extrêmement difficile, voire douloureuse. Poser une question directe, ne serait-ce qu’à nous-mêmes, est impensable, parce que nous sommes toujours certains que notre interprétation est, sans conteste, la bonne. Notre monde se présente comme « pour nous » ou « contre nous ». La croyance en soi crée donc un monde intérieur plein de conflits et de souffrance.

On peut comprendre la pensée « J’en doute » de deux façons très différentes :
1. Avec une pointe de cynisme, « J’en doute » devenant « Je suis certain que j’ai raison »
2. Avec un esprit ouvert qui utilise le doute pour étudier le spectateur de ce spectacle, celui auquel on se réfère quand on dit « moi-même » ou « je ».

Cette seconde façon peut être fructueuse. Le doute pourrait être celui-ci : peut-on vraiment se fier à nos sens une fois qu’on s’est rendu compte qu’ils sont obscurcis par notre conditionnement, notre famille, notre religion ou n’importe quel type d’éducation ? S’interrogeant, on peut alors commencer à méditer sur la coexistence de deux mondes : celui du contact pur, non influencé par l’écran des « mémoires », et celui créé par les samskaras (les formations mentales), l’écran des mémoires duquel naissent nos interprétations.

Le premier est le monde réel, qui se détruit quand on y pense, quand on l’interprète ou l’imagine.

Le second est le monde des samskaras (formations mentales) ; il est créé par le contact avec des stimulus (les sens) qui déclenche l’habitude d’interpréter et d’ajuster tout pour le façonner et le donner en pâture à l’égo. C’est le monde dans lequel nous vivons. Dire qu’il n’est pas réel ne signifie pas qu’il n’a pas d’existence. C’est l’univers des conflits et de la souffrance, le monde dualiste : acceptation et réjection, attraction et répulsion, amis et ennemis, bon et mauvais, vrai et faux, etc.

Les notions dualistes servent d’outils d’interprétation pour mettre en valeur la croyance en soi, qui saisit l’un ou l’autre de ces aspects et s’y accroche. Elles nous permettent d’émettre un jugement sur les événements pour justifier la nature de l’émotion qu’ils font naître. Quelquefois, nous disons nous sentir bien, d’autres fois mal, ou nous restons, bouleversés, dans un conflit émotionnel. Ce dernier état est celui où il nous est impossible de décider notre réaction à un événement donné ; nous tournoyons alors sur la roue (de l’existence) en un voyage éclair à travers l’orgueil, l’envie, la passion, la peur, l’avidité, la haine, encore et encore, durant des heures.

Ce vertige étourdissant, nous pouvons tous le reconnaître quand nous examinons le monde des formations mentales (les samskaras) ; c’est lui qui nourrit la croyance en un « je » qui se sent comme ceci ou comme cela, pense ceci ou cela, voit, entend, dit ceci ou cela, etc. Plus nous faisons ceci-cela, plus la croyance en soi s’affermit.

Ce que nous appelons notre monde est érigé sur la base de blocs d’interprétation. Il nous devient familier, comme l’est notre maison parce que nous l’avons meublée d’une certaine façon, ou notre garde-robe parce que nous avons choisi nos vêtements. Quand on s’identifie à des blocs d’interprétation, on construit une croyance en soi à travers laquelle il est impossible de voir le contact pur, la réalité, qu’on souffre d’avoir perdu.

Abandonner l’habitude d’interpréter m’apparaît être une perte légère. Dans cet abandon, nous pourrions expérimenter la joie de voir « la réalité ».

Monica Hathaway, M106
trad. Maryse Pelletier

Considérations sur le son

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Le ton « normal » de notre voix est celui qu’on utilise pour se surveiller.

Un son apaisant veut contrôler la tendance à la violence (apaise la bête sauvage, soigne-la).

Un son de séduction camoufle une tendance à l’avidité, à l’amour de soi

Le ton taquin compense un manque d’humour (c’est la peur d’être entraîné dans une situation malgré soi). Il indique : « Je connais tes intentions ».

Le son de la frivolité est destiné à cacher l’étendue de la connaissance des gens — il ne faut pas avoir trop intelligent si on veut survivre.

Le son d’un bavardage constant tend à dissimuler la peur de ce qui est dit ou pourrait être dit par des gens qu’on ne connaît pas encore.

Se retenir de parler est une façon de cacher la tendance à émettre des jugements de valeur sur des personnes.

Le son de la joie est la voix du silence.

D’une façon très inconsciente, nous utilisons le ton de notre voix pour créer des expériences particulières :
un ton apathique demande la sympathie
un ton sympathique demande la confiance
le ton de la propitiation vise la libération de la tristesse
un ton triste demande la cessation de la peur
un ton peureux demande la colère.

Un ton suffisant, vaniteux, dissimule la tendance à croire que les autres ne comprendront pas ce que nous disons.

Le ton cynique cache la tendance à s’accrocher à un idéal romantique.

Le ton qu’on a pour parler est celui qu’on a pour lire. Il est aussi celui qu’on a pour entendre. On pourrait dire que chaque personnalité est basée sur un ton et une énergie uniques en termes d’énergie. Il est possible qu’un ton donné active la partie du cerveau qui, par exemple, envoie des messages suppresseurs de douleur, qui aident à se sentir mieux. Il est possible que ce ton soit celui qu’on appelle guérisseur, apaisant. Cela pourrait expliquer la légende à l’effet que les guérisseurs soient incapables de se guérir eux-mêmes, et pourquoi leur soi-disant art n’est pas fiable. Ils utilisent un ton apaisant pour contrôler leur tendance à la violence. Leur tentative peut réussir pendant un certain temps, jusqu’à ce qu’un événement inattendu éveille leur violence contenue, et qu’alors ils perdent le contrôle de ce qu’ils pensaient être leur pouvoir.

Le ton qu’on utilise pour lire quelque chose pour soi-même m’apparaît vraiment démontrer pourquoi la compréhension est liée à la capacité de se libérer du ton auquel on s’identifie habituellement. Cependant, on trouverait étrange le fait qu’une personne parle ou lise à haute voix dans un autre ton que le sien.

Quand une personne dit qu’elle apprend lentement, il est possible qu’elle aime tellement la connaissance qu’elle en soit incapable de la laisser surgir, ou de la faire bouger. Ou ce pourrait être une forme d’avidité qui se colle à son système de croyance et résiste à toute tentative de partager la connaissance : « La connaissance est l’affaire de Dieu et doit être considérée comme telle. Elle ne peut pas être comprise par de pauvres êtres humains ». Dans ce cas, il s’agit d’un effort pour protéger les secrets divins.

Le son de la colère pourrait tout à fait dissimuler la peur d’être abusé et la tendance à la gentillesse, à la bonté.

Le ton de la tolérance semble déguiser une tendance à avoir d’énormes préjugés.

Il est possible qu’on parle dans un ton et qu’on écoute dans un autre ; on parle avec tolérance, on écoute avec préjugés.

Le son clair qui souhaite écouter et être entendu est le Sambhogakaya

Il est possible que de parler avec un ton rassurant dissimule la tendance à considérer le futur comme menaçant ; ce futur serait vu comme un inconfort, et la seule façon de le rendre confortable serait de dire : Ça va aller ! La « vérité » serait trop destructrice. Les meilleurs plans concoctés par les souris et les hommes ne se déroulent pas toujours comme le voudrait celui qui planifie ; vraiment, les prières faites à un Dieu personnel sont de pauvres substituts pour un état d’éveil véritable.

Qui sont les guérisseurs ? Qui sont ceux qui nous rendent malades ? Des questions, quelqu’un ? La nature dualistique de l’esprit ne nous laisse comme choix que l’espace ouvert.

Monica Hathaway, M105
Trad. Maryse Pelletier

Naissance et mort

C’est le printemps! Les diverses formes de la vie remontent à la surface de la Terre et courent dans les branches. Des crocus jaunes et mauves éclatent, et l’eau des étangs et des ruisseaux frétille de vie. Les merles sont revenus. Quelle délicieuse agitation!

Toi, hiver, où donc es-tu allé?

C’est l’été! Les fleurs s’épanouissent, tournant leur corolle vers le soleil. Les légumes et les fruits murissent et éclatent de saveur dans nos bouches. Les oisillons essaient leurs ailes et les bébés grenouilles sautillent. Le chaud soleil d’après-midi s’installe et la vie ralentit, adoptant un rythme lent et paresseux.

Mais toi, printemps, où es-tu allé?

C’est l’automne! Les feuilles se colorent et se détachent des branches, et les fruits tombent des arbres. Les fleurs meurent une à une. Les variétés d’insectes et d’animaux disparaissent. Les oiseaux s’envolent vers le Sud. On entend le jappement des oies. L’espace entre chacune des choses vivantes s’élargit, semble t-il.

Et toi, été, où t’en es-tu allé?

C’est l’hiver. Tout nous apparaît mort, enterré et affaissé sous le poids de la neige et de la glace. La bise froide pique notre chair et les pensées de ce qu’on appelle la mort surgissent en abondance. Cependant, dans l’essence même de cette disparition, la beauté de tout ce qui germe dans la matrice de la nature confère une majesté à la nudité du ciel et à l’apparent vide de la terre. Le Printemps perdu reste sous forme d’espoir.

Monica Hathaway, M105
trad. Maryse Pelletier

Blanc et noir

Dieu est blanc, incolore, statique, immobile, d’une nature paisible et sereine, mais on ne peut ni le trouver, ni prouver son existence. Satan est noir, multicolore, agité, d’une nature chaotique et passionnée, mais on ne peut ni le trouver, ni prouver son existence. Et cependant, voyant clairement ces créations de l’esprit, l’homme les a immortalisées en blanc et noir.

L’humanité, j’en témoigne, n’est que vanité et tracas.

Monica Hathaway, M105
trad. Maryse Pelletier

En résumé

J’enfouis mes trésors
Mes rêves pour le futur
Dans une grotte secrète
Entre les jolies cuisses de mon aimée

Monica Hathaway, M105
Trad. Maryse Pelletier

Sans promesses

Ne comptez plus sur rien. Calmez-vous.

Suver des vies devient une boîte de Pandore sur laquelle vous ne pouvez pas retenir le couvercle ; juste au moment où vous pensez l’avoir sécurisé, il éclate, poussé par la fermentation.

La spontanéité est l’absence de système.

Monica Hathaway, M105
trad. Maryse Pelletier