Ma peur

Il m’aura fallu des années pour ne plus avoir peur des hommes. Peur en général. Respect en particulier. Trop de respect. Trop de mon silence autour d’eux. Peur qu’ils expriment de la colère à mon endroit, qu’ils me jugent, qu’ils me rejettent, me méprisent, me frappent.

Ce n’est pas que j’ai été violentée, non. C’est que ma mère avait peur de mon père et qu’il ne faisait rien, mais rien, pour changer ce sentiment qui s’approfondissait, se solidifiait avec avec le temps. Il était tendu, elle avait besoin de son consentement pour presque tout, de son argent pour tout. Elle se sentait coupable de trop dépenser, il en rajoutait, or elle n’était pas dépensière et nous étions 7 enfants ; il fallait bien manger et nous habiller. Elle n’osait pas donner son opinion, contester ses décisions, or nous sommes tous passés par l’adolescence, cette période où il nous défendait de sortir, faisant de nous, au bout du compte, des êtres ayant des difficultés de communication avec leurs semblables.

Il m’a fallu toute ma vie d’adulte, en fait, pour me débarrasser de ma peur. Ce n’est que maintenant que je peux dire que je considère les hommes comme de vrais êtres de chair et d’os, qui ne se sentent pas nécessairement supérieurs, intouchables, infaillibles, qui ont peur aussi, faim, soif, qui tremblent devant l’inconnu, qui préfèrent quelquefois leur confort à l’aventure, leur femme à la voisine, qui continuent à apprendre, qui nous regardent souvent avec intérêt et attention, et qui sont aussi incertains que nous devant ce que la vie leur présente.

Toute ma vie d’adulte et, je le répète, je n’ai jamais été battue. Quelle difficulté ce doit être alors pour celles qui ont subi des coups ; j’essaie de l’imaginer et j’en suis incapable. Est-ce qu’elles y arrivent vraiment, un jour?

4 thoughts on “Ma peur

  1. France côté dit :

    Bonjour Maryse,

    Merci pour ce partage très enrichissant, qui m’aide à prendre conscience de certains comportements qui demeuraient pour moi mystérieux.

  2. « Toute ma vie d’adulte et, je le répète, je n’ai jamais été battue. Quelle difficulté ce doit être alors pour celles qui ont subi des coups ; j’essaie de l’imaginer et j’en suis incapable. Est-ce qu’elles y arrivent vraiment, un jour? »

    Je ne saurais le dire n’ayant pas été violenté physiquement, quoique, oui, abusée physiquement. Le plus difficile a été pour moi, idem pour les femmes avec qui j’ai travaillées jusqu’ici, l’abus verbal qui touche leur âme dans tous ses recoins. Le reméde que j’ai trouvé, je suis certaine qu’il y en a bien d’autres, est la reconnaissance de qui nous sommes vraiment, sans ces cicatrices qui veulent nous empêcher de voir notre essence. Des êtres d’amour dignes d’aimer et d’être aimés par la plus haute « autorité », qui n’est pas de ce monde mais qui en parfume chaque coin. Un parfum nous permettant de vivre le paradis sur terre.

  3. Lorraine Côté dit :

    Maryse,
    Ton texte m’a beaucoup touchée. Comprendre d’où on vient, pourquoi, comment on est ce qu’on est. Que de sagesse dans ces mots.

  4. D’habitude je ne poste jamais de commentaire mais là ton article mérite vraiment d’être salué

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