Mes amies écrivaines

J’ai la chance inouïe d’avoir deux amies écrivaines. Il n’y a pas grand monde qui peut en dire autant.

Si vous n’avez pas d’amies écrivaines, vous ne passez pas de longues soirées à rire, et que ça fait tellement de bien que vous vous en souvenez des mois durant. Si vous n’avez pas d’amies écrivaines, vous ne connaissez personne qui soit si à l’affût d’idées, si convaincue qu’il faut les choisir, si certaine que les idées ne sont rien en soi, mais qu’il faut les travailler, les travailler, et les travailler encore.

Vos amies écrivaines sont comme vous, elles ne savent plus de quelle façon répondre à la fameuse question qu’on leur pose tout le temps « Où vous prenez vos idées? ». Elles savent que les idées ne sont pas comme des ballots de paille. On peut en avoir des milliers, mais il n’y en a qu’une qui, de temps en temps qui s’inscruste suffisamment fort et bien pour qu’on puisse la travailler, et la travailler encore jusqu’à ce qu’elle finisse par générer 100 ou 200 pages. Et donner à peu près satisfaction. Une « oeuvre » qui peut être lue, comprise et appréciée par d’autres, comme un lien tangible vers l’invisible, un bouffée d’air frais dans un monde pollué.

Si vous n’avez pas d’amies écrivaines, vous ne connaissez personne qui travaille autant pour si peu, qui doit de gagner des prix pour s’acheter un manteau, qui attend les chèques annuels de droits sans jamais savoir à l’avance quel en sera le montant, mais qui compte sur ce chèque-là pour pouvoir payer son électricité.

Mes amies écrivaines savent calculer, c’est vital, elles savent surtout regarder et écouter, c’est fondamental, elles travaillent à apprivoiser la vie, leur vie. Elles essaient de survivre à ce besoin qu’elles ont de raconter, sachant que ce besoin est à la fois leur force et leur faiblesse. Sans ce besoin irrépressible, elles seraient infirmières ou professeurs, elles auraient droit à une retraite, elles auraient une vie qui n’a pas besoin de se faire comprendre, dire, raconter, pour laquelle elles auraient moins de respect, peut-être, mais plus d’amitié. Quand on est ballottées sur sa mer intérieure et qu’on ne n’a pu se construire qu’un petit bateau à rames, on a beaucoup de respect pour la mer, très peur que le ciel se couvre et beaucoup d’attachement à son embarcation.

Si vous n’avez pas d’amie écrivaine, vous qui écrivez, trouvez-en une, au moins. Elle partagera votre île solitaire sans jamais vous imposer un seul mot à dire, une seule pensée à écrire. Parce que la principale qualité des amies écrivainces, c’est qu’elles savent respecter tout dans l’être, tout dans l’écriture. Tout dans les autres.

Hommage à mes amies écrivaines et à leurs amies, qui savent qu’elles ont accès à un trésor d’une richesse insensée, fragile, mais inépuisable.

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