Je suis en hostie.
Il est 11 h. Je suis dans ma chambre à essayer de tuer le temps et je suis dans une colère noire. J’ai peur. J’ai eu peur de m’asseoir à la terrasse de mon café habituel. Peur, entendez-vous? Peur. J’en ai plein le dos. Une sainte colère. La panique m’a prise il y a une heure quand j’ai vu ces 2 individus, ces 3 individus plutôt, tournoyer autour de moi, me regarder, s’asseoir, m’attendre, me surveiller. Hostie, une fille peut pas s’installer sur un coin de banquette sans être considérée comme une marchandise? – Je la prendrais, celle-là. La pauvre, pas d’homme. Elle doit en chercher un, ça doit lui manquer. Pauvre petit con sec, ça manque de pénis bandé, c’t’affaire-là. Ça manque. Ça doit en chercher.
Et ils sont là, peinés pour vous, vous offrant à dîner, comptant bien que c’est une faveur qu’ils vous font de vous avoir remarquée et que, n’est-ce-pas, vous êtes tombée sur un gentilhomme à qui vous devez bien, par déférence, en guise de reconnaissance éternelle, accorder vos faveurs, accorder votre trou pour qu’ils y jouissent parce que c’est normal et qu’ils ont eu le grand mérite de vous tirer de votre anonymat de fille seule.
Et moi, je suis là, avec mes 20 et quelques années, dans 10 ans je serai une vieille femme, une vieille peau, et je me paierai des jeunes si j’ai suffisamment d’argent.
Le pouvoir. Je veux avoir pouvoir et argent. Sans ça, le cirque n’aura pas de fin. Ce cirque ignoble où les femmes sont la marchandise, le repos du guerrier, la récompense, la chose, le trésor, l’éléments final du tableau de leur chasse.
Cette colère, doublée de peur et parfois de honte, quelle femme ne l’a pas vécue…
Merci pour les mots.