Les cavaliers

Pour toujours devant 

Pour toujours derrière

 

Quatre cavaliers à l’armure rouillée

Aux longs cheveux de chanvre adipeux

Sur des montures essoufflées

 

Marchent devant

Marchent derrière

Sans m’attendre

Sans me rejoindre

 

Mes espoirs

 

 

On s’assoit et on boit du thé

Je me fais du thé

Je m’assois 

Je regarde la montagne

 

Tout ce qui nait là-bas le fait froidement, presque sans cri

Tout ce qui meurt là-bas le fait froidement, presque sans cri

Tout s’agite

Puis tout tombe

Sans bruit

Vu d’ici

 

Assise

Je regarde la montagne

Là-bas

Et je bois du thé

Le processus créateur 3 : la manière

Posons tout d’abord le principe fondateur de la manière de créer, cette troisième étape du processus créateur : un artiste n’a nul besoin de chercher à être différent des autres artistes, il le sera forcément, inévitablement, par sa nature même. Personne ne ressemble à personne d’autre, nul ne voit la vie de la même façon qu’un autre, nul n’a les mains et le cœur de quiconque autour ou loin de soi, personne n’utilise les mêmes images, les mêmes mots dans le même ordre, ou les mêmes couleurs superposées, les mêmes lignes pour le dessin; en fait, il n’y a pas deux arbres exactement semblables sur la terre, et il en est de même pour les humains. Cela se comprend et s’accepte tout de go et les conséquences de cette réalité pour le processus créateur sont immenses : voici disparues les inquiétudes au sujet du plagiat et de l’originalité de l’œuvre qu’on veut créer. Ça clarifie la situation, déjà.

Donc, tous les êtres humains sont différents les uns des autres. Une fois cela reconnu, Il va de soi que chaque artiste, chaque créateur possède une façon innée de voir et de présenter le réel. Cependant, pour réaliser son œuvre, le créateur doit parcourir le chemin qui mène à son noyau propre, à son essence, celle qu’il doit dégager du fatras de ce qu’il a appris, de ce qu’il aime, ce qu’on lui a dit de faire, de ce qui est correct et ce qui ne l’est pas, etc.  Il lui faut traverser ces filtres, dépasser ces manies, toquades et croyances les unes à la suite des autres pour se sortir de la gangue sous laquelle son vrai moi créateur, ses créations étouffent. Quelquefois le chemin de cette libération est très long. On peut créer durant tout ce temps, mais il faut cheminer dans le sens de l’allègement, sinon notre œuvre sera statique, plastique, immobile, et nous aussi.

Notre manière de créer, notre style, nos sujets proviennent directement de ce que nous sommes, de notre manière de voir, de sentir, d’analyser, de jauger et juger, de considérer le monde et la réalité, ils sont nés entièrement de nos connaissances et de nos expériences émotives, traumatisantes ou pas, de nos intérêts pour les êtres et la matière, en somme, du contact entre notre caractère et ce qui constitue notre vie, à commencer par les circonstances dans lesquelles nous avons été projetés à la naissance. 

C’est le point de départ de la manière, c’est-à-dire du style, de l’originalité qu’on a – qu’on aura – en tant que créateur. 

Par la suite, la recette est simple et toujours la même, il faut travailler. Il faut exprimer, puis ordonner, puis corriger, puis parfaire – ses mots, ses sujets, ses idées, son terreau, ses mélodies, ses formes, ses mouvements, les gestes confus ou organisés qui surgissent et s’imposent dans notre espace intérieur. Cette substance matérielle ou immatérielle que nous sommes allés glaner, chercher, empiler, il faut déterminer de quelle manière on l’arrange, on l’assemble, on la développe, pour qu’elle devienne ce que l’on sent, ce que l’on veut qu’elle soit, et aussi ce qu’elle veut être ; c’est ainsi qu’elle nous sera propre, qu’elle sera le témoin et le résultat de notre manière de créer. En tant que créateurs, nous sommes donc entre l’énergie et la matière, entre la glaise et le pot, entre l’idée et la phrase, entre le corps et la danse, entre le pinceau et l’image terminée, entre l’appareil photo et le sujet.

Certains artistes trouvent très rapidement leur manière et surfent sur cet acquis (?) durant le reste de leur carrière. D’autres en font une découverte lente, difficile, ardue, mais enrichissante, nourrissante pour eux et pour ceux qui apprécient leurs créations. Il n’y a pas de modèle, vraiment, cela dépend du travail sur les œuvres et du travail sur soi-même.

En principe, les créateurs qui veulent évoluer ont une manière qui est toujours en mutation, qui fait l’objet de leur curiosité constante; elle est vivante, étonnante, même à leur insu – on ne contrôle pas tout, heureusement. Qui, en effet, ne veut pas réaliser sans cesse de meilleures œuvres, plus achevées, plus signifiantes, plus pures, plus éloquentes ? 

Notre manière de créer est, ainsi, toujours en processus; elle est à la fois une recherche et une découverte, c’est le fil rouge vif de nos vies d’artistes. Au-delà des sujets, au-delà des matières, notre manière donne la forme à notre impulsion et à la matière dont on s’en sert dans notre œuvre. 

J’ai envie d’ajouter à ces considérations une pensée qui accompagne toujours mes réflexions au sujet des créations et des créateurs.

Il me semble que les créateurs ont une obligation de clarté. Ne vous méprenez pas! Ce n’est pas la clarté de l’œuvre que je revendique – quoique cela ne fait pas de tort, vraiment – mais celle du créateur vis-à-vis lui-même. Le créateur doit être en contact avec son esprit, sa pensée, ses émotions, il doit les reconnaître, les nommer, ne serait-ce que confusément, pour pouvoir cheminer comme être humain. Si le créateur ne chemine pas, son œuvre restera statique, elle perdra ce qui lui permettrait d’évoluer, de vivre dans l’œil de ceux qui essaient de s’en imprégner pour mieux comprendre le monde, dans le cœur de ceux qui essaient de la saisir par tous les pores de leur être.

Évidemment, je ne donne ici que des considérations que je juge fondamentales. Vous aurez remarqué que pas une fois je n’ai parlé de corriger, de remplacer, d’aller consulter le dictionnaire, de recuire un pot, de casser une porcelaine en mille morceaux, de détruire une toile ratée (?), de se retirer d’un projet qu’on juge immoral. Sachez que tout cela est inclus ici. Pour parcourir le long chemin jusqu’à son essence propre, son noyau vivant, le créateur doit faire des choix, patienter et attendre de sentir, de savoir ce qui lui correspond le mieux, ce qui est le plus vrai pour lui. Patience. Travail. Travail. Patience.

La manière d’un créateur lui appartient totalement et, d’une certaine façon, c’est réciproque: le créateur a tendance à s’identifier à sa manière; ainsi, il en devient le jouet et risque de la scléroser, de se scléroser. Mais, s’il évolue comme être humain, sa manière et lui évolueront de concert. En fait, pour trouver, utiliser et renouveler notre manière de créer, il faut d’abord travailler sur soi; mais cela, bien entendu, est une tout autre histoire. 

 

 

Le long chemin jusqu’ici

Durant la nuit dernière, celle que j’interromps pour écrire, je me suis réveillée d’un cauchemar durant lequel je me demande quoi faire de ma vie, de mes talents. Je suis à une croisée de chemins et, tout autour, il y a du brouillard. J’agite les bras dans tous les sens pour le dissiper, en vain; il est toujours aussi dense, aussi effrayant, et je veux avancer, mais je dois plonger, faire confiance, et c’est ardu, souffrant. J’ai peur de tout mon être, surtout la partie cachée de moi, celle qui a quarante étages.

Au fait, au moment de mon rêve, j’ai 43 étages ainsi répartis : 40 de confusion et 3 de détermination. Grosse de mes 43 étages invisibles à l’œil nu, je flotte au-dessus de mon propre brouillard et la moindre pensée de plonger dans la mer d’incertitudes et d’ignorance qui m’entoure me plonge dans des angoisses innommables. Je ne sais pas travailler, je suis incapable de m’asseoir pour penser, c’est trop inconfortable, je risque d’éclater sur place comme une grenade dégoupillée ; il n’y a que la fuite qui permet d’oublier, pour un instant, le malaise sur lequel je nage péniblement une brasse immobile.

Mon compagnon de l’époque essaie de me dire comment procéder : demande-toi où tu veux être dans un an, deux ans, trois ans, détermine tes objectifs, fais un plan, suis son plan… Ça m’effraie. Ça me sidère. Il m’effraie, il me sidère. Je suis incapable de faire un plan de ce genre, je peux à peine vivre au jour présent. Sa suggestion me met dans un état d’immobilité agressive. Je pourrais, s’il continue, lui sauter au cou. Comment peut-on décider d’agir de façon aussi superficielle, organisée, simplette? Je ne me comprends pas, d’accord, mais lui me comprend encore moins. Juste sa suggestion me fait reculer d’un demi-tour de terre dans la relation. Reculer, reculer. Je ne sais pas s’il a raison, mais, s’il a raison, c’est invraisemblable, c’est inutile de continuer à vivre, je suis incapable, incapable de voir la vie, ma vie, de cette façon. 43 étages, je vous dis, et 40 de confusion.

Quand je me suis réveillée, tantôt, j’étais intéressée par des cours de musique et je me demandais si on m’accepterait en faculté comme étudiant libre. Sans doute un des premiers étages de mes constructions psychologiques et émotives de ce temps-là vient de se désagréger, ou de se manifester, et remonte jusqu’à ma conscience endormie. Fallait-il que j’aie peur de mes millions de secrets pour que ça dure encore et encore. Et encore.

Le moment présent

Au moment présent, il n’y a ni douleur ni joie qui dure, il y a peut-être une explosion, la montée d’un moment de conscience. Au moment présent, il n’y a ni tristesse ni mélancolie qui s’installent, ni non plus d’espoir ou de jalousie. Les moments présents passent, fulgurants, puis font place. Font place à une autre émotion, une autre pensée, un autre moment. Présents.

Le moment présent est-il une bombe silencieuse, le tranchant aiguisé d’une lame, un lac profond, un marais puant? Le moment présent est-il un pétale de fleur, un mot mal prononcé, une danse lascive et brève? Est-il un parfum qu’on voudrait oublier, un arbre qui s’écrase de vieillesse, un champignon qui lance ses spores? Est-il un enfant qui meurt, un médecin qui renonce à son âme, la carapace d’un crabe qui s’ouvre, un poulpe qui perd un tentacule? Est-il un tsunami, une mer étale, l’éternité qui prend une respiration?

Est-il rond, oblong, étoilé, cylindrique? Traverse-t-il le temps et l’espace comme nous ne savons pas le faire? 

Sitôt qu’on le regarde, il s’enfuit, déjà historique, déjà jeté dans le fourre-tout de ce qui n’existe plus.

Bruine d’été

Il tombe une petite bruine, ça mouille tout, même les cheveux, même quand on est à l’intérieur de la maison, et il fait froid. L’été se fait attendre, c’est un effet des changements climatiques. Quand on marche, il faut faire attention de ne pas glisser sur l’argile mouillée, conséquence collatérale desdits changements. L’argile est saturée, saturée, saturée d’eau; il faudrait des pics à glace (à argile?) sous les chaussures.

C’est tout de même beau, vert, vivant, foisonnant, débordant. Un feu d’artifice de feuilles, de branches, d’herbes hautes, basses, coupantes ou douces, échevelées, de fleurs qui essaient de se distinguer dans l’éclairage tamisé des nuages – si bas qu’on les a sous le nez. La vie à son plus résilient, son plus fondamental, son plus bavard. Elle bouscule tout, même l’idée -saugrenue – que la pluie pourrait être triste.

Adieu

Elle avait choisi une petite robe blanche, cadeau de sa mère, c’est d’ailleurs cette mère qui me le confiait pendant que, tous réunis sur la galerie, sa famille et nous, on la regardait parler à chacun, poser des questions, se lever péniblement pour enlacer quelqu’un, puis se rasseoir. Le temps était exceptionnellement beau pour octobre, on se serait cru en plein été, moins la lourdeur. Chaleur sans pesanteur, et un petit vent qui passait de temps en temps.

Elle avait mis cette petite robe blanche sans manches, et on pouvait voir que son sein gauche était nettement plus volumineux que son sein droit, qu’elle avait perdu du poids puisqu’elle flottait dedans et que même l’emmanchure de cette petite robe toute simple, droite, dont le tissu, passait du plus fin au plus épais en larges bandes, était un peu trop grande. Mais jolie, cette robe, sur la jolie Catrina.

La robe arrêtait un peu en haut des genoux, laissant découverts ses mollets encore musclés par les milliers de kilomètres de course, et on pouvait noter la douceur de sa peau couleur miel au sarrasin, sans taches de vieillesse ou de rousseur. 

Elle portait des sandales plates, confortables, c’est sa dernière-née qui les a portées par la suite, même si elles étaient trop petites, la fille dépassant la mère de plusieurs centimètres. Elle avait encore et toujours ce sourire lumineux, les deux incisives légèrement écartées, et les yeux brillants. De larmes, oui. Souvent. Puis avec le sourire. Puis avec le regard qui se posait sur chacun d’entre nous. Doucement. Affectueusement.

Puis il y a eu une femme qui jouait du violon. Et, pendant la mélodie sereine, elle a fait ses adieux.

Et puis après, Patrice son compagnon, l’a prise dans ses bras et l’a portée jusqu’au ruisseau. Depuis, il ne cesse de penser : « Je l’ai portée à sa mort, c’est moi qui l’ai amenée à sa mort » et il pleure. En se retenant, comme les hommes le font. Mais il pleure quand même.

Daniel et moi sommes restés sur la galerie, laissant la famille accompagner notre amie sur le bord du ruisseau, sous les arbres que Patrice a plantés, près du pont qu’il a construit. Les bleuetiers étaient rouges, le gazon était vert, si vert, et le ciel acheminait ses petits nuages insignifiants vers un autre ailleurs, à l’Ouest.

Nous sommes rentrés chez nous. Je ne sais plus ce que j’ai fait ces deux heures durant lesquelles la famille de Catrina est restée sur le bord du ruisseau pour l’accompagner dans la disparition de sa conscience si vive, de sa vie si courte. Je crois que j’ai pleuré. Je ne me souviens plus.

Puis, une fois le corps parti, nous sommes retournés sur la galerie pour les retrouver, eux la famille et nous, les voisins, et Catrina n’était plus là. Tout son monde a rapporté des aliments sur la galerie, sur la table, sous le parasol. Il faisait encore beau, encore chaud. Et on a mangé un peu, en pleurant, en riant, en ne retenant rien. Une sorte de célébration tendre, profondément compatissante jusque dans ses moindres pensées, humaine jusqu’à la bonté pure, jusqu’à l’émotion qui accepte d’être partagée, vue, assumée. Et cela était franchement exceptionnel.  Exceptionnellement douloureux et tendre. Un hommage douloureux à la vie qui passe, à nos vies qui passent. À Catrina qui n’est plus. Qui n’est plus.

 

 

Catrina va mourir demain

2 octobre 2024

Catrina va mourir demain. Catrina ma voisine, une bombe d’énergie, de précision, a désormais un corps bourré de métastases cancéreuses, qui se sont accrochées aux organes vitaux d’abord, qui se sont rendues jusqu’à son crâne où lui ont poussé des bosses, dont une de la grosseur d’une lime. Sa mort est inévitable, elle ne veut pas être prolongée indûment, elle a décidé de recevoir l’aide à mourir, elle s’épargne des souffrances, elle reste chez elle, elle sera entourée de tous les siens, par une belle journée d’automne ensoleillée, sur le bord du ruisseau, à l’ombre des érables que Patrice a plantés.

Sa peau est désormais fine comme du papier de soie à cause de la chimio, elle a perdu du poids mais elle est toujours aussi jolie. On dirait que son crâne a rapetissé, ses mains ne pèsent plus rien, elle a froid aux pieds, mais elle est souriante la plupart du temps, et elle fait des phrases complètes malgré sa fatigue, et elle a une liste de choses à faire – l’administration, les assurances, les mots de passe dans l’ordinateur, etc. – et elle fait ces choses, ses appels aux amis par exemple, les unes après les autres. 

Voilà. Elle meurt demain en début d’après-midi.

Elle est très entourée, de tout un monde qui l’aime, qui est abasourdi – mais pas prostré – devant l’horreur de cette vérité : Catrina va mourir demain. La maison tourne désormais autour d’elle, Patrice son compagnon, leurs enfants, sa sœur, son frère, ils se relaient pour lui donner tout ce dont elle a besoin, pour aller pleurer chacun dans son coin parce que c’est trop horrible, mais tout ce monde-là jase, elle la première, et raconte ce qui va se passer, ce qui doit être fait, quelle forme ont les cancers, les ganglions, les sentinelles, et que ses résultats sont triple négatif, et il y a des messages, et il y a des fleurs, et elle dit merci en souriant, et elle est lucide mais fatiguée, fatiguée mais lucide.

Elle a choisi de ne pas se rendre jusqu’à l’extrême fin de ses forces, où elle aurait été exsangue sur un lit d’hôpital. Déjà elle ne marche plus toute seule, c’est Patrice qui la prend dans ses bras pour monter ou descendre l’escalier, pour aller à la toilette. C’est lui qui, demain, la portera dans ses bras vers le ruisseau qu’elle aime, qui chante, qui coule.

Demain je n’ai rien au programme, sauf la mort de Catrina.

Question, Munich 20 novembre 1988

J’ai entendu dire, il y a longtemps, mais peut-être que j’invente encore, que chaque être humain a son double exact, quelque part sur terre ; si c’est vrai, j’aimerais savoir si ce double de moi a eu les enfants que je n’ai pas eus.

 

 

Hong Kong, 15 novembre 1987

La première vue de Hong Kong, celle qu’on a quand l’avion atterrit et roule sur la piste construite en pleine mer, et qu’on a devant soi le panorama de l’océan, des buildings et des montagnes, cette première vision est fulgurante. Inoubliable.

Même impression quand on traverse de Kowloon à Hong Kong et qu’on avance vers ce mur de béton, de miroirs et de lumière, les gratte-ciels de Hong Kong, dont le plus insignifiant est plus beau que le plus beau de New York, dont le nombre dépasse de vingt fois celui de Manhattan, et qui laisse une impression d’impossible Walt Disney, qui aurait construit un rêve gigantesque, presque grotesque. Inoubliable ça aussi.

On a envie de rire tellement s’est impossible, de fermer le projecteur pour que le film s’arrête, de couper la musique pour revenir à la réalité. Mais la réalité, c’est ce prodige-là.

Mais ce n’est pas que ça.

C’est aussi la folie du bruit, de la saleté repoussante, de l’épaisse noirceur crasse des petites rues pittoresques où on s’enfonce, qui sentent tour à tour les vers de terre et les oranges, et qui, derrière les façades des magasins, boutiques et échoppes qui s’y alignent sans discontinuer, sans laisser le temps de reprendre son souffle, cachent une pauvreté maladive.

Par contraste, sur les boulevards, Hong Kong est le centre d’achat de la Chine, sa banque. Tout y est plus cher qu’à Tokyo – et pourtant, Tokyo est cher ; on y va pour acheter, pas pour y vivre.

Les Chinois sont plus joyeux que les Japonais, plus colorés, plus bruyants. Ils ont moins de réserve, d’uniformes, d’organisation et de rituels sociaux. Ils sont aussi beaucoup moins propres. Aller à la toilette, ici, c’est une aventure risquée, à la fois pour le pantalon et pour l’estomac – qui doit être solide.