Des fois, l’individualisme de chacune des personnes de notre société – je suppose le mien aussi – m’ennuie profondément. Chacun a son bobo, son chagrin, son regret, son désir, sa chicane irrésolue, sa préférence pour tel chocolat, sa lancinante douleur provenant de l’enfance, son pied mariton (… Madeleine, son pied mariton Madelon) et peut en parler – longtemps. Mais pour chaque ongle qui fait mal, je pense aux enfants qui meurent de faim au Yémen. Pour chaque bout de peinture qui doit être refait – oh malheur! – sur le mur, je pense aux villes en ruines de Syrie ou d’Irak après le passage de DAECH. Pour chaque couette de cheveu qu’on regrette de devoir replacer sans arrêt dans une coiffure savamment organisée qui définit notre style et nous va bien au visage, je pense aux africaines qui portent de l’eau, tous les jours, sur leur tête et ce, durant des kilomètres. Pour chaque discussion sur le gluten, les OGM, les lipides, le beurre et les croissants, tes préférences, mes préférences, ses préférences, nos préférences, nos maux d’estomac, les vins buvables mais pas trop chers, le resto qui vend de si bonnes pâtisseries mais trop cher, l’absence de vertu des patates en poudre, des haricots trop cuits et du baloné séché, je pense aux enfants qui ne mangent pas suffisamment, et dont l’intelligence, la compréhension, la participation au monde, toute la vie, en fait, sera affectée.
Ça donne de la perspective.
Ça me remet à ma place dans l’univers, diablement privilégiée. Scandaleusement privilégiée.
J’ai juste envie de dire merci, merci, merci. Et j’aimerais tellement ne pas entendre autant de plaintes, partout, tout le temps.
Le maudit individualisme qui nous porte à penser qu’on a droit à tout, le bonheur, l’argent, des nuits d’amour torrides sans fatigue ni odeurs, des enfants propres et polis, un gros VUS polluant devant un paysage paradisiaque et, pourquoi pas, un ou deux serviteurs pour faire notre ménage. Le maudit individualisme qui fait que nos services publics sont exangues, parce que nos gouvernements mollassons et influençables les saignent sous la poussée de compagnies privées dirigées par des individus avides. Le maudit individualisme qui fait que la planète crève parce qu’on a droit, n’est-ce-pas, à notre steak quotidien, notre porc hebdomadaire, notre dinde mensuelle et tout ce qui s’ensuit. On sera bien avancés, avec notre couette de cheveu bien placée, quand l’air sera devenu irrespirable. Ça donnera quoi?
Y a des fois. Des fois que. J’ai envie de me fondre dans la masse. De même oublier mon nom, ma date de naissance, le fait que je suis une femme, et de devenir le liant, la chose commune de notre société. L’eau. L’air. Tout et personne. Personne.
Bravo Maryse, ton texte raisonne tellement fort en moi, merci pour ce texte essentiel.
C’est pout toues ces raisons qu’on fait partie de Eau Secours !
Merci bien pour cette belle réflexion. C’est vrai qu’on est chanceux de vivre ici, d’avoir un toit sur la tête, de pouvoir manger tous les jours. Et d’avoir le temps de te lire…
Bonjour
Pauvre ou riche les êtres humains sont dotés d’une valeur intrinsèque, je pense que celle ci malgré nos défauts doit dominé nos pensées.