48 heures

Si on vous demandait – ou si vous vous demandiez – quelles sont les 48 heures les plus marquantes de votre vie, que répondriez-vous?

Y a-t-il 48 heures qui ont vraiment changé votre vie, qui ont été un tournant, une pierre d’assise, un rempart, une destruction majeure, un cataclysme affreux ou un événement d’une douceur jusqu’alors méconnue, si troublant qu’il vous chavire encore aujourd’hui, un 48 heures que vous voudriez raconter à tous – ou surtout pas à qui que ce soit, même pas à la personne la plus proche de vous – un 48 heures de feu, de gaz et de sang, un cocktail Molotov dans vos fondations, une inondation de pleurs ou une cascade de rires qui vous font encore trembler, une rencontre amoureuse si intense que vous en avez encore des frissons?

Il me semble que tout le monde a connu ce 48 heures-là. Ça peut être seulement un long deux jours durant lesquels vous avez été seul.e devant la mer et que, pour la première fois, vous vous êtes laissé.e.s bercer par sa rumeur constante, ou alors celui où vous êtes allé.e au chevet d’une tante mourante, qui a repris conscience seulement quelques minutes pour vous regarder avec un sourire si lumineux qu’il vous semble avoir compris, un instant tout bref, la vraie nature de la vie humaine sur terre – et vous l’avez gardée en mémoire depuis.

Ça peut être la première fois qu’une personne a lu un de vos textes et que vous étiez tellement retournée de la réception chaleureuse du public qu’il vous fallu deux jours entiers pour vous en remettre et que vous n’avez pas dormi une seule minute durant ces deux jours.  

Ça peut être ce séjour que vous, étudiant.e de 18 ans, avez fait chez vous,  pendant lequel il vous est apparu – enfin – que vos parents n’étaient pas seulement vos parents mais de vraies personnes entières, avec des pensées qui ne tournaient pas toutes autour de vous et des destins qui s’éloignaient déjà du vôtre. C’était votre entrée dans l’âge adulte.

Ça peut être ce moment, et il a encore une odeur, celui-là, où vous vous êtes rendu.e compte que vous étiez tellement rigide et tendu.e que, malgré votre désir, vous ne pouviez ni vous pencher si humer la fleur que vous aviez à vos pieds et que vous avez décidé de faire du yoga, de la danse, des arts martiaux, tout, n’importe quoi, et que vous avez mis deux jours pour vous inscrire partout partout, dans l’idée bien arrêtée d’être capable de vous plier jusqu’à terre pour sentir et toucher les fleurs – même les plus petites – et l’herbe et les cailloux jusqu’à vos 90 ans.

Ça peut être ce moment terrible, qui en suivait un autre encore plus terrifiant, durant lequel vous avez compris qu’il ne fallait pas que vous mettiez fin à vos jours malgré votre cruel mal de vivre parce vos enfants avaient besoin de vous pour grandir. Il vous a fallu 2 jours, l’un pour monter, et l’autre pour  redescendre de ce promontoire d’où vous aviez pensé vous jeter.

Si on vous demandait, vous, quelles sont les 48 heures les plus importantes de votre vie, que répondriez-vous?

Nos vies sont pleines de moments marquants. Quelquefois, c’est nous qui les provoquons, d’autres fois ils surgissent devant nous, bon ou mauvais, agréables ou odieux, et il faut faire face ou se cacher, sauver sa vie, sa peau, abandonner de gré ou de force sa vie d’avant et se glisser, s’insérer ou être catapulté.e dans une vie nouvelle, celle qui s’est dessinée après ce 48 heures. 

Et ne me dites pas que vous n’avez rien connu de tel. Regardez un peu, un tout petit peu derrière vous. Allez, courage. C’est pour vous, pas pour moi. Mais, si vous me le racontez, ça me ferait plaisir.

 

 

 

3 thoughts on “48 heures

  1. Monique dit :

    Il y en a eu tellement de 48 heures intenses et importantes dans ma vie. Celui qui me vient en mémoire est celui où je suis partie en vacances avec une amie pour la première fois alors que j’étais mariée (1983). Un mariage battant de l’aile avec un mari ayant un style de vie pour le moins toxique.

    Une joie retrouvée en compagnie de Cécile, une pointe de liberté à l’horizon et des fous rire à n’en plus finir avec le vent dans les voiles de l’affranchissement. Un souvenir rempli d’attention, d’amour sans condition et d’une amitié qui a survécu aux vents et marées de nos vies. Un souvenir qui maintenant n’est plus que le mien, Cécile étant, au moment d’écrire ces lignes, sur la foulée de l’arrivée imminente de son voyage à travers l’Alzheimer. Une traversée qui dure depuis plus de sept ans. – https://www.youtube.com/watch?v=0uEGhHsdI4Q

  2. René dit :

    Les quelques instants que j’ai pris pour lire votre texte font parti de ces 48 heures

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