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Un souffle

Je regarde la télé. Une dramatique. Des personnages qui ont chacun sa propre trajectoire, laquelle nous est révélée peu à peu à mesure que l’histoire avance.

Celui-là a vu sa mère mourir dans des circonstances étranges et, dans la pensée –  c’est rapide – on se les remémore à chaque fois qu’il apparaît sur l’écran.  Il a un bagage, une sorte de bulle autour de sa tête, qui se promène avec lui, qui sera de plus en plus grande et grosse à mesure que l’histoire sera racontée. Homme, 55 ans, sportif malgré ses pieds plats, a beaucoup aimé cette mère disparue, a épousé une femme dont il se demande si elle l’aime encore et ce que c’est que l’amour à 55 ans, architecte frustré de n’avoir jamais réalisé un seul projet qui l’a enthousiasmé vraiment, une création qui aurait pu changer sa vie et celle des immeubles de sa société, etc. Il échange avec un autre personnage. Femme, 53 ans, se regarde très peu dans la glace, aime le vin blanc et le bacon bien cuit, a pratiqué plusieurs métiers, se demande si elle est centrée, voudrait faire du yoga pour se calmer mais surtout pour rester svelte, aime trop les romans policiers, a décidé de ne plus se poser de questions sur son union et ses enfants parce qu’elle est incapable d’y répondre, etc. Bulles superposées et bien organisées de deux personnages de télé.

Je ferme la télé. Les personnage me suivent, viennent ajouter leur bulle à la mienne, qui est déjà volumineuse. Femme, cheveux abondants et frisés mais pas trop, qui regrette d’en perdre mais qui se trouve chanceuse d’en avoir encore autant à son âge, qui aime les projets mais, désormais, les réalise à un rythme plus lent parce qu’elle sait qu’elle ne changera pas le monde et que, des fois, c’est agréable de ne pas travailler, qui recoud les boutons à ses robes achetées dans des friperies, qui voudrait bien, avant de mourir, voir son opéra présenté sur une scène, même petite, qui commence à avoir mal régulièrement au petit orteil du pied gauche, qui… et ainsi de suite.

Ma bulle est grande, grosse, fournie – lourde? je ne sais pas. La vôtre aussi, celle de tous les humains, en fait. Et on les entretient bien ces, bulles, on est encouragés à les chérir et à les protéger. L’individualisme, ça s’appelle.

Et puis, un jour, on pousse son dernier souffle. On est emporté. Ailleurs. Le contenu des bulles disparait-il totalement? Si non, qu’est-ce qu’il en reste? Et où? Toutes ces notes qu’on prend, ces projets qu’on mûrit, ces goûts et dégoûts dont on fait la liste régulièrement, ces espoirs qui s’élèvent en un brasier lumineux, ces rêves qui s’écroulent comme des immeubles bombardés, ces incapacités sur lesquelles on s’use les dents, ces capacités qu’il faut toujours entretenir, toutes ces valises qu’on traîne, ces porte-conteneurs chargés à ras bord de pensées accumulées depuis qu’on est au monde, ces bulles qui deviennent tellement terriblement plus lourdes que nous si on n’y fait pas attention, où vont-elles?

Et il ne faut qu’un souffle pour les anéantir. Un. Souffle. Explosion des porte-conteneurs. Ils coulent dans une mer sans eau.

Oh.

Je crois que je vais continuer à regarder la télé jusqu’à ce que je m’endorme.

Ouais.

Moi, mon corps, mon âme, etc.

Entre l’information et la désinformation, depuis quelques années, ces jours-ci surtout, il n’y a qu’une fine ligne que je discerne de moins en moins.

Entre l’impuissance et le laisser-aller, rien n’est visible, sauf pour la personne qui essaie de s’extirper de l’un et de ne pas être abattue par l’autre. Et vice-versa.

Entre la colère et l’exposé bien structuré et vindicatif (mais probablement inutile) au sujet de l’atrocité et de la cruauté de la guerre, il n’y a qu’un souffle, qu’un petit pas intérieur. J’essaie de rester sur le pas de la porte entre les deux, mais c’est difficile.

J’adopterais tous les tons que je connais, depuis les notes blanches et noires de tous les arpèges du piano jusqu’aux sons de la nature et des animaux, en passant par la menace, le chantage, la promesse, la mièvrerie, l’amour, le sens de l’éternité de l’histoire, j’utiliserais tous les tons, couleurs, nuances et puissances vocales et mentales que je connais, que j’ai développées au cours des années, pour essayer de persuader quelqu’un d’arrêter la guerre. Mais toutes ces belles capacités, acquises de haute lutte, sont inutiles, ô frustration.

Je suis là, moi, mon corps qui respire et qui mange, qui expulse, qui pense, qui s’émeut, qui s’attriste et se révolte et ahane tant la douleur est intense, et qui hoche la tête d’un côté et de l’autre parce qu’elle ne tient presque plus sur mes épaules tellement elle me fait mal, je suis là, donc, et il me semble que je suis immobile, figée, au centre de toute cette incertitude, cette cruauté, cette stupidité gigantesque et insensée que constitue l’attaque de Putin sur l’Ukraine, ou la faim généralisée au Yémen. Le monde se liquéfie sous les bombes, mes tympans sont arrachés, la vie éclate en gravats et blesse les chairs, celle des enfants, des femmes, des hommes et des animaux, et attaque tout tout ce qui est vivant partout sur notre planète. Partout.

Et moi, mon corps, mon âme, on n’y peut presque rien. Infinitésimalement rien *.

Ça ne veut pas dire que je n’envoie pas d’argent pour aider – infinitésimalement peu -, ça veut simplement dire que l’amour, la paix, l’entr’aide et la solidarité salvatrices n’ont aucune puissance aujourd’hui pour arrêter tout ça. Pour arrêter quoi que ce soit d’ailleurs.

À quoi servez-vous, moi, mon corps, mon âme, etc. ? À quoi je sers?

 

*Je sais, ce n’est pas un mot, mais il me semblait que, dans les circonstances, ça disait ce que ça voulait dire.

QUOI? Comment ça?

Ce fou de Putin a traversé la frontière de l’Ukraine avec ses chars d’assaut, ses bombes, ses lance-roquettes, ses avions de combat, en dépit de ses engagements internationaux, en dépit de toute humanité, en dépit du fait que personne ne lui a jamais déclaré la guerre, et on peut pas l’arrêter?

Ce parano de Putin est en train de tuer des centaines, des milliers, des millions de gens sans doute sous prétexte que… – sous quel prétexte, d’ailleurs, c’est franchement nébuleux et fabriqué de toutes pièces –  et on ne peut pas l’arrêter?

Des milliers d’enfants seront déplacés, à jamais brisés par la mort de leur père, sa disparition ou son infirmité, par le chagrin de leur mère, par la faim, la soif, la fatigue et on ne peut rien faire?  On ne peut arrêter le responsable de cette horreur? On ne peut pas? Pourquoi ça? Parce qu’il est le plus fort? Hein? Pardon? Qu’est-ce que vous dites?

C’est quoi, ce monde dans lequel nous vivons, que nous avons construit, si personne d’entre nous ne peut arrêter les meurtriers en série, les despotes, les tyrans, les nouveaux Hitler, Mussolini et Staline (et j’en oublie plusieurs, qui vivent entre autre dans les pays africains), c’est quoi, ce monde ?

C’est quoi?

 

Trop tard?

Quand on a passé la septantaine, il faut se rendre à l’évidence d’une réalité douloureuse, celle qu’il est désormais trop tard pour réaliser certains projets, pour poser certains gestes ou pour atteindre certains objectifs. Par exemple :

Quand on n’est pas scientifique, vaut mieux attendre à une prochaine vie pour vouloir un Nobel en chimie – mais on peut toujours potasser le livre de chimie de son petit-fils qui étudie au CEGEP, en espérant que ledit livre ne soit pas écrit en anglais.

Quand on n’a pas eu d’enfants issus de son propre corps, vaut mieux y renoncer pour le reste de ses jours, vraiment-vraiment – mais on peut toujours adopter temporairement, et pour certaines périodes limitées, ceux des autres.

À ceux qui n’ont pas pu devenir astronautes, je suggère de mettre un casque protecteur et de se laisser balader par un jeune de 18 ans pressé de se rendre en moto à un Rave, ça leur donnera une idée de ce à côté de quoi ils ont passé et leur enlèvera peut-être leurs regrets.

Pour écrire un best-seller, il n’est pas trop tard, mais faudrait commencer à travailler illico en utilisant la recette suivante : beau gars + belle fille + obstacles naturels (comme forêts, ravins, guerre et radio-activité en goguette, c’est tendance), + espion russe (facile, au moment où on se parle) + arme de poing + président débile qui aime dictateur (inspiré de la vraie vie), ne pas oublier sexe débridé (comme dans les rêves de leur adolescence) et fin explosive. Mélanger, ajouter un peu de curcuma et de gingembre pour le goût, et de soda à pâte pour la digestion. Bonne chance !

Pour devenir riche et connu, il faut vite causer un scandale en demandant des sous sur FB pour une cause factice, en acceptant à l’avance que le stratagème ne fonctionne pas aussi bien que ceux de camionneurs qui, pour protester contre une « dictature sanitaire », vont manifester -librement et en chantant-, et bloquent -librement et en chantant- durant des semaines les déplacements de tout le monde autour d’eux.

Pour apprendre à courir un marathon, à lancer du javelot, à faire du patinage artistique, à devenir avaleur de feu ou de sabres (quoique…), directeur artistique d’une compagnie (sans le sou, naturellement), il est sans doute trop tard, mais pas pour apprendre à danser en ligne. Réjouissez-vous, sauf que ça ne vous donnera pas de talent si vous n’en avez pas.

Trop tard pour… pour quoi d’autre, au juste?

Faire de la planche à voile, monter l’Everest, marcher toute la Muraille de Chine (qui est en petits morceaux sur une bonne partie de sa longueur, rappelons-le), devenir pianiste de concert ou chanteur populaire (à moins qu’il y ait une émission de Star Académie pour les vieux, ce dont je doute), trop tard, donc, pour tous ces projets qui demandent des années de travail avant de se réaliser.

Compris?

Mais il n’est pas trop tard, jamais trop tard pour planter des arbres , faire son potager -même si le sol nous apparaît de plus en plus bas-, nager à la mer, mettre de la crème solaire, préparer des festins, donner à des institutions charitables, sauver des chats, des chiens et des baleines, rire avec nos amis ou se chagriner de leurs maux, apprendre tout ce qu’on veut, marcher partout où on veut, prendre parti pour la démocratie, manifester pour l’écologie, acheter et lire de bons livres, consommer local, encourager les plus jeunes et leur dire que ce n’est pas si mal, vivre jusqu’à la septantaine. Leur dire ça et le leur souhaiter. Le leur souhaiter de tout coeur ainsi qu’à leurs enfants. Pas trop tard non plus pour acquérir à la fois un sentiment de l’importance primordiale du présent et une sorte de goût d’éternité dans ce présent. Pas trop tard pour essayer de découvrir encore et toujours la réalité de nos vies sur cette planète et la valeur de l’entr’aide, de la solidarité, de l’écoute, et, à l’opposé, s’indigner de la recherche obtuse du pouvoir, de la guerre, de la cruauté,  du radicalisme, du racisme, du harcèlement, de la violence et du despotisme.

On peut tout de même faire beaucoup, non, à la septantaine? 

Rendez-vous dans quelques années, où on se parlera de nos quatre fois vingt ans. Je l’espère, du moins.

 

 

 

 

 

48 heures

Si on vous demandait – ou si vous vous demandiez – quelles sont les 48 heures les plus marquantes de votre vie, que répondriez-vous?

Y a-t-il 48 heures qui ont vraiment changé votre vie, qui ont été un tournant, une pierre d’assise, un rempart, une destruction majeure, un cataclysme affreux ou un événement d’une douceur jusqu’alors méconnue, si troublant qu’il vous chavire encore aujourd’hui, un 48 heures que vous voudriez raconter à tous – ou surtout pas à qui que ce soit, même pas à la personne la plus proche de vous – un 48 heures de feu, de gaz et de sang, un cocktail Molotov dans vos fondations, une inondation de pleurs ou une cascade de rires qui vous font encore trembler, une rencontre amoureuse si intense que vous en avez encore des frissons?

Il me semble que tout le monde a connu ce 48 heures-là. Ça peut être seulement un long deux jours durant lesquels vous avez été seul.e devant la mer et que, pour la première fois, vous vous êtes laissé.e.s bercer par sa rumeur constante, ou alors celui où vous êtes allé.e au chevet d’une tante mourante, qui a repris conscience seulement quelques minutes pour vous regarder avec un sourire si lumineux qu’il vous semble avoir compris, un instant tout bref, la vraie nature de la vie humaine sur terre – et vous l’avez gardée en mémoire depuis.

Ça peut être la première fois qu’une personne a lu un de vos textes et que vous étiez tellement retournée de la réception chaleureuse du public qu’il vous fallu deux jours entiers pour vous en remettre et que vous n’avez pas dormi une seule minute durant ces deux jours.  

Ça peut être ce séjour que vous, étudiant.e de 18 ans, avez fait chez vous,  pendant lequel il vous est apparu – enfin – que vos parents n’étaient pas seulement vos parents mais de vraies personnes entières, avec des pensées qui ne tournaient pas toutes autour de vous et des destins qui s’éloignaient déjà du vôtre. C’était votre entrée dans l’âge adulte.

Ça peut être ce moment, et il a encore une odeur, celui-là, où vous vous êtes rendu.e compte que vous étiez tellement rigide et tendu.e que, malgré votre désir, vous ne pouviez ni vous pencher si humer la fleur que vous aviez à vos pieds et que vous avez décidé de faire du yoga, de la danse, des arts martiaux, tout, n’importe quoi, et que vous avez mis deux jours pour vous inscrire partout partout, dans l’idée bien arrêtée d’être capable de vous plier jusqu’à terre pour sentir et toucher les fleurs – même les plus petites – et l’herbe et les cailloux jusqu’à vos 90 ans.

Ça peut être ce moment terrible, qui en suivait un autre encore plus terrifiant, durant lequel vous avez compris qu’il ne fallait pas que vous mettiez fin à vos jours malgré votre cruel mal de vivre parce vos enfants avaient besoin de vous pour grandir. Il vous a fallu 2 jours, l’un pour monter, et l’autre pour  redescendre de ce promontoire d’où vous aviez pensé vous jeter.

Si on vous demandait, vous, quelles sont les 48 heures les plus importantes de votre vie, que répondriez-vous?

Nos vies sont pleines de moments marquants. Quelquefois, c’est nous qui les provoquons, d’autres fois ils surgissent devant nous, bon ou mauvais, agréables ou odieux, et il faut faire face ou se cacher, sauver sa vie, sa peau, abandonner de gré ou de force sa vie d’avant et se glisser, s’insérer ou être catapulté.e dans une vie nouvelle, celle qui s’est dessinée après ce 48 heures. 

Et ne me dites pas que vous n’avez rien connu de tel. Regardez un peu, un tout petit peu derrière vous. Allez, courage. C’est pour vous, pas pour moi. Mais, si vous me le racontez, ça me ferait plaisir.

 

 

 

De la relation entre la curiosité et les genoux

Suis étendue sur mon lit, à me reposer un peu, et soudain me vient une impulsion. Ma voisine s’est construit une maison à quelque 200 mètres de chez moi et j’ai bien envie d’aller y jeter un oeil, surtout qu’elle l’a juchée sur un promontoire, qu’elle y a ajouté une plate-bande dernièrement et qu’elle est sensée y avoir installé enfin ses électro-ménagers. Sans compter qu’elle est absente en ce moment et que je pourrais tout examiner à loisir sans avoir à saluer et jaser de choses et d’autres. Très curieuse, je suis, de ce qu’elle a apporté comme améliorations à sa construction – qui s’étire depuis nombre d’années- et à son aménagement paysager.

Mais voilà que, toujours étendue, me monte une douleur aux genoux dont mon corps se fait une spécialité depuis quelques temps. Ça fait suffisamment mal pour que je me demande quand ça cessera.

Me revient en tête la vision de la maison, et je me rends compte que mon impulsion a diminué d’intensité, que ma curiosité, si vive il y a quelques instants, a fondu comme neige en mars, puis en avril. Mes genoux élancent, je pense à me mettre debout, je manque de courage, j’y renonce pour l’instant, et je constate sans tristesse que mon envie d’aller voir s’est effritée en tout petits morceaux, en poussière, en rien du tout.

Quand on est enfant, on court, quand on est adulte, on avance (ou on essaie) quand on vieillit on choisit où on va. Et, des fois, on n’y va pas du tout.

Fumée

Un thé Tchai

Qui fume

Trop

Sur ma table

Mes bagues

Qui brillent

Sous l’abat-jour

De ma table

Ma théière cassée

Ma tasse tachée

Mes yeux bandés

Et ma table

Sur quoi tout rancit

Repose s’étale

Pour rien parce que rien

D’intéressant

Énumération

Il y en a qui écrivent comme on remonte à force de bras l’eau d’un puits, avec effort, acharnement, entêtement, espoir
Il y en a qui écrivent comme on rejette son eau trouble dans une source claire
D’autres qui écrivent sans savoir que les mots sont des lames aiguës, aiguisées, et qui tournent le dos quand les couteaux ont frappé
Il y en a qui écrivent en roulant des épaules, convaincus qu’ils flottent au-dessus des épinettes de nos têtes
Il y en a qui écrivent comme on se gargarise, ça renâcle, ça crachote, ça toussote mais ça ne sert à rien
Il y en a qui écrivent comme on cueille une goutte de rosée un matin d’automne froid, avec parcimonie, en frissonnant, avec respect pour la promesse d’un jour nouveau, d’une eau nouvelle
Il y en a qui écrivent comme on descend un fleuve, avec rapides, boues, tourbillons et bouillons d’écume
D’autres qui écrivent comme on tend une main ouverte, paume offerte, au vent qui passe
D’autres, enfin, qui déambulent à travers les mots, les assemblant en une courtepointe bigarrée
Il y en a, il y en a
Il y en a
Et il y a moi
Et mon goût de terre
De sillons
De semences
De soins
Qui, comme plusieurs, veut servir
Qui quoi quand comment
Rien, tout. Vous.
Tout ce qui vit, souffre, entend, sent, pense, agit et réagit
Tous les univers visibles et invisibles de nos âmes dans la tourmente, le froid, l’illusion, le vide et le plein.

Opéra insupportable

Je cherche
un cor tibétain
un violon chinois
une viole mongole
un crissement de cordes éraillées
des cris proférés

des cris sans douleur
des cris sans sons
des cris muets comme des ombres
des cris du fond des âges
ceux des esclaves, des mourants-de-faim, des morts à la guerre, des violés, des révoltés, des assassinés, des amoureux abandonnés

J’entends ces cris
dans ma mémoire
celle du fond des âges
celle d’avant avant
ils explosent
mon haut-parleur

Si je pouvais
avec la viole tibétaine
le violon mongol
le cor anglais
rassembler ces cris
si je pouvais

j’en ferais un opéra insupportable
inécoutable
injouable
définitif
comme la mort
sans rémission
sans répétition

Puis le silence.
et le silence
et le silence

Aujourd’hui

Intense
brumeux
temps de pluie
temps de vent
tant de vent
vent de temps
d’antan

Les rameaux s’étirent se tordent
geignent
pluie de pluie
tant de temps
tant de vent
vent de pluie
vent tordant

le temps ne vieillit pas
le vent de faiblit pas
il s’essouffle il s’affaisse
il chuchote il grommelle
la vie n’a pas de sens
le vent n’a pas de sens
le temps n’est qu’au présent